Il faut avoir l’estomac bien accroché pour suivre certains programmes : quand La Belle Saison associe les lauréats du Concours International de Musique de Chambre de Lyon 2021, Manon Galy et Jorge González Buajasán, et le Quatuor Zaïde autour du virtuose Quatuor n° 1 de Saint-Saëns, de la complexe Sonate pour violon et piano de Lekeu et du passionnant Concert de Chausson, le résultat pourrait bien être indigeste. Il n’en est rien : face au talent des musiciens, et en particulier des musiciennes du Quatuor Zaïde, le public du Théâtre des Bouffes du Nord en redemanderait presque !
La soirée s’ouvre sur un morceau de bravoure pour le Quatuor : l’œuvre de Saint-Saëns n’est pas des plus sobres, et la lecture qu’en font les Zaïde tend plutôt à souligner son caractère passionné et entier que ses subtilités. L’Allegro initial, porté par le violon de Charlotte Maclet qui assure autant la continuité de la phrase que sa fluidité, est époustouflant de puissance. Si dans les sections où l’écriture est la plus fournie il n’est pas toujours aisé de discerner des progressions dynamiques claires, les quatre musiciennes veillent en revanche à préserver des plans sonores bien distincts : silences surprenants, fortes assourdissants, pianissimos détimbrés contribuent à donner du relief.
La clarté de leur lecture est plus visible encore dans le Molto allegro quasi presto : dans un tempo allant, les Zaïde conservent une articulation exacte, des équilibres toujours ajustés et parviennent à donner du sens aux motifs thématiques pourtant particulièrement répétitifs. Le finale fait montre de cette même netteté dans leur vision : veillant à mettre en avant le caractère rythmé et dansant du mouvement, sans oublier pour autant la dimension dramatique de sa conclusion, les musiciennes montrent qu’il est possible de préserver la cohérence globale de l’œuvre tout en veillant à exposer en chaque mouvement un caractère différent. Seul le Molto adagio est un peu décevant – bien qu’il soit l’occasion d’admirer les timbres originaux que façonnent les quatre instrumentistes, qui parviennent à faire sonner leurs cordes comme autant de tuyaux d’orgue dans des fortissimos monumentaux –, justement parce qu’il maintient la tension, au lieu de proposer une respiration que l’on espérait pourtant dans cette œuvre imposante.