Du 15 au 19 mai 2015 a lieu la première édition du London Festival of Baroque Music, qui succède aux trente années du Lufthansa Festival of Baroque Music. Les différents concerts ont été conçus autour du thème "Les Femmes dans la musique baroque", qu’il s’agisse de compositrices, d’interprètes ou de muses. Le 16 mai à St John's Smith Square , la soirée était consacrée à Marie Fel, soprano fétiche du Siècle des Lumières, incarnée par Carolyn Sampson ; Jeffrey Skidmore dirigeait l’Ex Cathedra Consort and Baroque Orchestra, tandis que l’acteur Matt Barber présentait les œuvres en les replaçant dans leur contexte. Un programme tout à fait intéressant, réalisé de façon convaincante mais un peu monochrome.
Marie Fel naît à Bordeaux en 1713. Elle fait ses débuts à Paris en 1734, à l’âge de 21 ans. Membre de l’Académie Royale de Musique, interprète de haut niveau distribuée dans les plus grands rôles, la soprano enchante 35 ans durant le roi Louis XV, la Cour, les intellectuels de ce temps, comme Voltaire ou Casanova, et surtout de nombreux compositeurs, dont le compositeur majeur de la période, Rameau. Le programme retrace la carrière et la vie de Marie Fel, relatant à travers les extraits choisis ses prises de rôle, ses admirateurs, son tempérament. Les compositeurs à l’honneur sont De Lalande, Mondonville, Rameau, Rousseau, ou encore Fiocco, Lacoste, Mouret.
Le fil conducteur, chronologique, est très clair et bien détaillé dans les notes de programme papier. Cependant, la musique n’a pas été jugée un assez bon guide pour le public : Matt Barber, jeune acteur britannique, est présent sur scène tout au long de la représentation pour introduire chacun des airs, en lisant la narration préparée par Simon Robson. L’idée n’est pas mauvaise en tant que telle, loin de là ; la portée didactique est l’un des aspects les plus importants d’un concert conçu autour d’une thématique peu commune. Malheureusement, le texte est prévu pour être joué, puisqu’il est censé être déclamé par Louis XV. Et cette dimension théâtrale ne fonctionne pas. Le ton privilégie une veine humoristique vraiment lourde (la coquetterie de Marie Fel et le désir des hommes à son égard), pour ne pas dire à la limite du sexisme – paradoxe étrange quand on sait que le festival souhaite mettre en valeur les femmes en tant qu’artistes. Outre son caractère peu subtil et répétitif (Marie Fel est louée de toutes parts, elle est exceptionnelle… on l’aura compris), le propos est bien trop long dans l’ensemble, ce qui casse le rythme du concert et use la concentration du public. D’autre part, si Matt Barber est un charmant jeune homme, il ne sait manifestement pas donner vie à ce genre de texte, et ne parvient ni à déclencher le rire ni à transmettre les informations biographiques avec pédagogie ; le résultat est peu captivant, à la limite du fastidieux.