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Le Budapest Festival Orchestra et Iván Fischer au service de Brahms à la Philharmonie

Por , 24 noviembre 2024

Proposer un programme dédié aux œuvres d'un unique compositeur est un projet ambitieux. Si cela peut permettre d'apprécier l'évolution d'un langage musical ou proposer un medley de tubes choisis, le risque de produire un sentiment de banalité après deux heures de musique est significatif, toute géniale que soit l'esthétique convoquée. À la tête de son Budapest Festival Orchestra, Iván Fischer relève brillamment le défi à la Philharmonie de Paris, magnifiant Brahms à en tomber par terre.

András Schiff, Iván Fischer et le Budapest Festival Orchestra à la Philharmonie
© István Kurcsák

Dès les premières notes de la Danse hongroise n° 1 qui ouvre le bal, on tombe sous le charme de cet orchestre somptueux. Au-delà même du son de chaque pupitre qui se fond l’un dans l’autre pour un rendu sonore illustrant toute la densité transparente qui signe les pages de Brahms, c’est la musicalité de l’ensemble qui transcende le tout. Propulsé par le moteur des pizzicati des contrebasses situées en arrière-scène, l’orchestre est un félin qui répond avec subtilité aux moindres sollicitations du chef d’orchestre. Il faut dire que les gestes d'Iván Fischer caressent la musique, la matérialisent avec une clarté d’intention éloquente.

S’ensuit le Concerto pour piano n° 1, sorte de première symphonie avant l’heure tant sa partie orchestrale est fournie. Les interprètes du soir continuent sur leur excellente lancée et en livrent une version raffinée. On redécouvre avec plaisir toutes les nuances du remplissage harmonique de Brahms grâce à la qualité et la clarté sonore de l’ensemble des pupitres de vents dont les solistes ne tirent jamais la couverture à eux, à tel point qu’on discerne sans mal les parties principales et secondaires.

L’écoute mutuelle entre les musiciens est frappante, pianiste inclus. Visiblement en osmose avec les intentions musicales d’Iván Fischer, András Schiff sait se fondre dans l’orchestre, se tournant souvent vers ce dernier pour mieux s’imprégner de ses timbres. Ainsi prolonge-t-il et enrichit-il un solo de cor au cours du premier mouvement, de même que les flûtes prendront le relais à la fin de sa cadence avec une admirable synchronisation temporelle et intentionnelle. Point d’orgue de ce dialogue incessant, le deuxième mouvement se transforme en rhapsodie grisante.

András Schiff, Iván Fischer et le Budapest Festival Orchestra à la Philharmonie
© István Kurcsák

Le pianiste britannique rencontre cependant quelques difficultés dans les mouvements plus allants. Entré sur scène avec sa canne, le septuagénaire a perdu un peu de fluidité gestuelle. Cela se ressent dans les enchainements d’octaves parfois heurtés, mais cela ne l’empêche pas de proposer une vision très construite de l’œuvre, avec certains passages virtuoses très aboutis quand les mains se croisent. Schiff propose deux bis, de Brahms bien sûr : un Intermezzo op.118 n° 2 dont le tempo très allant amoindrit légèrement la puissance lyrique, puis un Albumblatt exemplaire en termes de gestion polyphonique.

La seconde partie du concert suit un schéma similaire. L’orchestre délivre une interprétation retenue, toute en élégance, de la Danse hongroise n° 11, moins virtuose mais plus tzigane que la précédente. Imposante, la Symphonie n°  1 – la vraie – tranche avec ce climat intimiste. Iván Fischer y déploie une inventivité à la fois originale et au service de la partition. Grâce à un timbalier prodigieux, l’introduction n’est pas le rouleau compresseur qu’on entend parfois. Inventant des jeux de questions-réponses sur des motifs de deux notes, le chef est attentif au fait que chaque note soit associée à une intention musicale, jusqu’au moindre bariolage ou ornement qu’il dirige expressément. Quelques effets de glissandos teintent la symphonie des accents des danses hongroises sans que cela ne tourne à la coquetterie artificielle tant ils sonnent naturels, presque nécessaires.

La gestion de l’imbrication des différents pupitres définit un son organique mouvant, faisant ressortir chaque détail sans surjeu. L’accompagnement du thème au hautbois au début de l’Andante par le reste de la petite harmonie et les cors est à ce propos édifiante. D’organique, l’orchestre évolue vers un dernier mouvement tellurique où l’on ressent toute la plénitude des solos de cor et de flûte et du choral de cuivres avant le flux final, sans cesse en mouvement et au service d’un phrasé de long terme inouï. Se muant en chœur a cappella, l’orchestre interprète en bis le lied « Es geht ein Wehen durch den Wald ». Le timbre est moins éblouissant qu’avec les instruments, mais la justesse est impeccable est le phrasé toujours aussi entier, évident et profondément musicien.

****1
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Crítica hecha desde Philharmonie de Paris: Grande salle Pierre Boulez, París el 23 noviembre 2024
Brahms, Hungarian Dance no. 1 in G minor
Brahms, Concierto para piano núm. 1 en re menor, Op.15
Brahms, Hungarian Dance no. 11 in D minor
Brahms, Sinfonía núm. 1 en do menor, Op.68
Orquesta del Festival de Budapest
Iván Fischer, Dirección
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