Le lendemain d'un récital au Domaine Pommery, c’est le joli cocon à l’acoustique très satisfaisante du Manège de Reims qui accueille les pianistes Adam Laloum et Jonas Vitaud dans un très beau programme pour deux pianos où vont se succéder deux grandes œuvres séparées par un court interlude : la Mazurka elegiaca de Britten, composée en 1941 à la demande de l’éditeur Ralph Hawkes en guise d’hommage au grand pianiste, compositeur et homme d’État polonais Ignacy Paderewski qui venait de décéder. S’il n’a pas grand-chose à voir avec les mazurkas de Chopin dont Paderewski était un interprète de premier plan, ce bref morceau – qui devint ensuite la deuxième des Deux pièces pour piano op. 23 – réussit à captiver par son mélange très intrigant et ambigu d’élégance et de tristesse digne, parfaitement rendu par les deux musiciens.
C’est par les Variations sur un thème de Haydn de Brahms que débutait le programme. La sûreté de la technique et l’intelligence du propos du duo sont telles qu’on n’a plus qu’à se laisser aller au plaisir d’écouter cette merveilleuse pièce, si rare au concert dans cette version originale. Il n’y a vraiment que du bien à dire de cette prestation où l’on admire l’esprit de la Variation II, la poétique Variation IV, la spirituelle Variation V, la Variation VI pleine de caractère, le charme pastoral de la Variation VII et une Passacaille finale où la virtuosité du duo enchante dans ce qui est un vrai steeple-chase d’octaves, d’arpèges et de gammes parfaitement roulées.
Si Adam Laloum et Jonas Vitaud sont aussi physiquement dissemblables que faire se peut – le premier petit et mince, le second grand et costaud –, ils constituent un admirable duo agissant en parfaite symbiose. C’est non seulement de la magnifique musique mais aussi du superbe piano qu’on entend ici, les duettistes bénéficiant en outre de deux beaux Steinway parfaitement réglés.