Le Macbeth de Giuseppe Verdi de Daniel Benoin, créé à l’Opéra de Nice, en mai 2022 est repris pour le bonheur des spectateurs de l’Opéra de Saint-Étienne, l’un des coproducteurs du spectacle. L’action est ici transposée pendant la Première Guerre mondiale, dès les premières images d’archive projetées en avant-scène pendant le Prélude, les vidéos de Paulo Correia intégrant ensuite les protagonistes de l’opéra à l’écran.
Le rideau se lève sur une cour d’usine et ses ouvrières, cigarette à la bouche, qui nous évoquent irrésistiblement la Carmen de Bizet beaucoup plus que les sorcières du livret de Piave d’après Shakespeare. Les hommes se trouvant alors au front dans l’enfer des tranchées, ce sont les femmes qui font tourner l’outil industriel et versent l’acier en fusion en fond de plateau. On se demande d’ailleurs si celles qui pellettent quelques morceaux de charbon dans des seaux le font en clin d’œil à l’ancienne cité minière stéphanoise…
Ce traitement visuel est certes original et fonctionne plutôt bien, surtout dans ce vaste espace industriel cerné de murs de briques. C’est ici à l’acte III que Macbeth verra, sous forme d’animations vidéos projetées sur les parois, les spectres envoyés par les sorcières. L’autre décor conçu par Jean-Pierre Laporte pour les scènes d’intérieur est une pièce de style Art déco, qui assure à la fois les fonctions de salon, salle à manger et chambre à coucher avec la présence d’un grand lit à droite. Cette boîte scénique est favorable acoustiquement en portant davantage le son vers la salle, mais l’action s’y trouve toutefois nettement à l’étroit selon les tableaux, en particulier pour les grandes scènes d’ensemble, comme le finale de l’opéra.
Distribué en Macbeth, le baryton letton Valdis Jansons tient son rôle avec assurance et endurance, voix homogène au timbre assez agréable, mais sans fulgurance particulière dans l’aigu, ce qui pourrait amener un brillant supplémentaire à certaines de ses interventions. La Lady Macbeth de Catherine Hunold ne convainc que partiellement : ses notes les plus aigües impressionnent par la puissance, mais le reste du registre est bien plus discret en décibels, à l’exception de quelques graves poitrinés un peu plus généreusement. L’instrument est séduisant à l’oreille, d’ailleurs certainement éloigné de la « voix laide » que souhaitait Giuseppe Verdi pour ce rôle meurtrier à tous les sens du terme. Quelques rares passages d’agilité mettent la chanteuse en difficulté, comme le brindisi du II « Si colmi il calice », très ralenti pourtant par le chef.