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À Saint-Étienne, Macbeth s'en va à la Grande Guerre

Por , 17 junio 2023

Le Macbeth de Giuseppe Verdi de Daniel Benoin, créé à l’Opéra de Nice, en mai 2022 est repris pour le bonheur des spectateurs de l’Opéra de Saint-Étienne, l’un des coproducteurs du spectacle. L’action est ici transposée pendant la Première Guerre mondiale, dès les premières images d’archive projetées en avant-scène pendant le Prélude, les vidéos de Paulo Correia intégrant ensuite les protagonistes de l’opéra à l’écran.

Macbeth
© Cyrille Cauvet

Le rideau se lève sur une cour d’usine et ses ouvrières, cigarette à la bouche, qui nous évoquent irrésistiblement la Carmen de Bizet beaucoup plus que les sorcières du livret de Piave d’après Shakespeare. Les hommes se trouvant alors au front dans l’enfer des tranchées, ce sont les femmes qui font tourner l’outil industriel et versent l’acier en fusion en fond de plateau. On se demande d’ailleurs si celles qui pellettent quelques morceaux de charbon dans des seaux le font en clin d’œil à l’ancienne cité minière stéphanoise…

Macbeth
© Cyrille Cauvet

Ce traitement visuel est certes original et fonctionne plutôt bien, surtout dans ce vaste espace industriel cerné de murs de briques. C’est ici à l’acte III que Macbeth verra, sous forme d’animations vidéos projetées sur les parois, les spectres envoyés par les sorcières. L’autre décor conçu par Jean-Pierre Laporte pour les scènes d’intérieur est une pièce de style Art déco, qui assure à la fois les fonctions de salon, salle à manger et chambre à coucher avec la présence d’un grand lit à droite. Cette boîte scénique est favorable acoustiquement en portant davantage le son vers la salle, mais l’action s’y trouve toutefois nettement à l’étroit selon les tableaux, en particulier pour les grandes scènes d’ensemble, comme le finale de l’opéra.

Valdis Jansons (Macbeth)
© Cyrille Cauvet

Distribué en Macbeth, le baryton letton Valdis Jansons tient son rôle avec assurance et endurance, voix homogène au timbre assez agréable, mais sans fulgurance particulière dans l’aigu, ce qui pourrait amener un brillant supplémentaire à certaines de ses interventions. La Lady Macbeth de Catherine Hunold ne convainc que partiellement : ses notes les plus aigües impressionnent par la puissance, mais le reste du registre est bien plus discret en décibels, à l’exception de quelques graves poitrinés un peu plus généreusement. L’instrument est séduisant à l’oreille, d’ailleurs certainement éloigné de la « voix laide » que souhaitait Giuseppe Verdi pour ce rôle meurtrier à tous les sens du terme. Quelques rares passages d’agilité mettent la chanteuse en difficulté, comme le brindisi du II « Si colmi il calice », très ralenti pourtant par le chef.

Catherine Hunold (Lady Macbeth)
© Cyrille Cauvet

En Banco, la basse Giovanni Battista Parodi fait entendre une belle et sombre résonance dans le grave, mais le volume est modéré et le registre aigu bien plus fragile. Dans ces conditions, Samy Camps en Macduff fait une excellente impression, ténor lyrique d’une appréciable ampleur et qui conduit sa ligne de chant avec style. Son air du IV « Ah, la paterna mano » est détaillé avec goût, même si l’interprète fatigue légèrement dans le court duo plus agité qui suit « La patria tradita ». Il y est rejoint par Léo Vermot-Desroches (Malcom), ténor également vaillant qui claironne ses aigus dans ce rôle secondaire.

Macbeth
© Cyrille Cauvet

Placé à la tête d’un Orchestre symphonique Saint-Étienne Loire très concentré et formant un bel équilibre entre ses pupitres, le chef Giuseppe Grazioli impulse les justes nuances à cette partition très variée. Les bois et petites cordes font preuve de délicatesse au cours des moments les plus intimes, comme la scène de somnambulisme de Lady Macbeth. Les cuivres dévoilent par ailleurs leur brillant pour les séquences plus solennelles ou démonstratives.

La partie masculine du Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire fait meilleure impression, des points de vue de la cohésion et de la précision rythmique, que les choristes femmes, moins bien en place lors de leurs interventions en sorcières. Toutes les voix se regroupent et apportent du souffle aux grands ensembles, comme le douloureux et lugubre « Patria oppressa » à l’entame du IV.

À l'issue de la représentation, le public conquis a applaudi chaleureusement les artistes et les artisans de cette belle réussite.


Le voyage d'Irma a été pris en charge par l'Opéra de Saint-Étienne.

***11
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“le baryton letton Valdis Jansons tient son rôle avec assurance et endurance”
Crítica hecha desde Opéra de Saint-Étienne: Grand Théâtre Massenet, Saint-Étienne el 16 junio 2023
Verdi, Macbeth
Opéra Théâtre de Saint-Étienne
Giuseppe Grazioli, Dirección
Daniel Benoin, Dirección de escena, Diseño de iluminación
Jean-Pierre Laporte, Diseño de escena
Nathalie Bérard-Benoin, Diseño de vestuario
Orchestre symphonique Saint-Étienne Loire
Chœur lyrique Saint-Étienne Loire
Paulo Correia, Videoarte
Valdis Jansons, Macbeth
Catherine Hunold, Lady Macbeth
Giovanni Battista Parodi, Banquo
Samy Camps, Macduff
Léo Vermot-Desroches, Malcolm
Marta Mari, Lady in Waiting
Geoffroy Buffière, Doctor
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