Concert superlatif de Mariss Jansons avec le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks. Sans commune mesure avec ce que l’on a pu entendre par le passé, voici une Cinquième de Mahler qui court aux plus vastes houles de la terre, avec ses criques, ses fantastiques récifs, ses canons d’airain ! Au Théâtre des Champs-Élysées, la formation bavaroise est venue en nombre, afin de jouer l’ouvrage dans ses justes proportions ; il y a désormais un avant et un après.
Coriolan ouvre sa fable de grandeur : l’attaque violente des cordes donne le ton d’une lecture dense, au souffle gigantesque, à la forme olympique. Provocation jetée à la face du monde, ces grands déchirements livrent passage à une série de silences. Dans un face-à-face palpitant avec l’orchestre, Mariss Jansons tient les musiciens – comme le public – en haleine. Même connaissant Coriolan, il faut savoir s’adapter lorsque la musique débute si crûment. Mais bientôt, le thème en do mineur arrache l’eau à sa fange, et nous voilà parti pour quelque temps dans la haute voltige orchestrale. Exécution qui appelle le même niveau d’éloge que ce qui va suivre.
Jansons offre des contours nouveaux à la Cinquième Symphonie de Mahler, pourtant vue et revue. Le côté très gainé de Toscanini y est présent, sans la raideur. C’est une lecture linéamentée, qui met les mélodies au service d’un dialogue des contours ; en contrepointant les phrasés plus que les thèmes, des correspondances alors inaccessibles s’établissent d’une mesure à l’autre. Le soin porté à l’architecture frontalière est évident : Jansons aimante l’attention vers une vue d’ensemble de l’œuvre.
La Marche Funèbre n’a pas le pathétisme de l’homme portant sa croix. Nul bombardement atomique dans les tutti. Il fallait trouver mieux. Ce soir, le Trauermarsh s’élance, propulsé par un brio lumineux ; la terre semble avoir dépouillé ses graisses pour nous léguer sa concision. Retrait après impact, on ne s’éternise pas sur les arrivées. Jansons établit une précise hiérarchie des fortissimos (trop souvent uniformes), ce qui ne l’empêche pas de retrouver par moment l’esprit cordial et un peu flageolant de la fanfare de village. De manière générale, on reste bien loin de la sophistication.