Étrange filage que celui entendu mercredi dernier à la Gaveau. Min-Young Lee et Nicolas Stavy n’ont guère en commun si ce n’est qu’ils jouent tous deux du piano : la première gazouillant, prenant régulièrement la pose à son instrument, le second préférant s’offrir une partie de Quintette avec le superbe Quatuor Voce. L’on n’a pas rendu le meilleur service à Brahms en faisant succéder son Quintette en fa mineur à une performance aussi discutable que celle de Mi Young Lee, dont les contre-sens musicaux et les agaceries n’ont pas laissé intacts Mozart, Liszt et Chopin.
Qu’est-ce qui nous dérange si fort dans le jeu de Min-Young Lee ? Clairement pas les manquements techniques, qu’un peu de maquillage, à défaut de métier, suffit à faire oublier. C’est d’abord l’approche : le sentimentalisme assumé, cette croyance manifeste que la seule raréfaction des notes suffit à magnifier l’écoute, que la « douceur » est un enjeu musical majeur de l’interprétation (ce qui justifierait ce Saint François de Paule amoindri, rachitique, déconcentré dans sa tâche). Mi Young Lee se prend les pieds dans Mozart, qu’elle borde de sentimentalisme. Ses doigts n’ont manifestement pas la puissance, ni l’agilité suffisantes pour aborder de front, sans louvoyer, une partition telle que la Légende n°2 de Liszt. Aucune direction, aucune autorité dans la ligne de chant chez Chopin ; rien ne se perd, rien ne se crée, la main droite fonctionne au note à note. L’interprétation (dans son sens le plus littéral) n’est qu’accessoire, un invité marginal de cette performance qui se veut portée par le contact visuel. Les bis dédiés semblent progressivement échapper à sa conduite, pour ne plus prendre de présence que dans le poids virtuel des regards échangés avec son public.