Pour son gala dans le cadre féérique des Nuits de l'Orangerie du Château de Versailles, Anna Netrebko avait réuni autour d'elle quelques grandes voix russes actuelles : la mezzo Ekaterina Gubanova ainsi que la basse Ildar Abdrazakov. La défection de dernière minute d'Alexsandrs Antonenko a donné l'occasion à l'héroïne de la soirée de s'adjoindre un autre ténor russe : Yousif Eyvazov. Celui-ci est moins réputé qu'Antonenko mais beaucoup plus cher au cœur de la soprano puisque ce n'est autre que son fiancé.
Malgré toutes les possibilités d'ensembles offertes par la présence dans un même gala des quatre types de voix, on regrette que le programme, assez remanié par rapport à la version initialement imprimée, ne comporte finalement qu'un duo, celui du premier acte d'Otello de Verdi. Le reste de la soirée était consacré à une succession d'airs solistes italiens. L'ouverture des Vêpres Siciliennes, interprétée avec entrain par Marco Armiliato et l'Orchestre National d'Ile-de-France est surtout l'occasion de découvrir une sonorisation précise mais un peu poussée. Celle-ci met d'ailleurs autant en valeur la musique que les bruits ambiants, notamment les tournes de partitions quelque peu malmenées par le vent. Cette prise de son n'avantage pas les musiciens, en mettant en exergue dans les extraits orchestraux les minimes défauts alors que la sonorité globale de l'ensemble était plutôt convaincante, et le chef très à l'aise dans ce répertoire.
Dès son entrée pour le Celeste Aïda, Yousif Eyvazov dévoile une voix plutôt brillante, avec un aigu assez facile, mais assez peu de propension aux nuances. Un peu plus en confiance, il s'essaie cependant à quelques piani détimbrés dans le duo d'Otello mais la voix reste assez claire pour un rôle où l'on apprécie des timbres plus sombres. En deuxième partie, il interprète un Paillasse de belle facture malgré quelques excès d'interprétation et une intonation parfois mise en défaut. Mais c'est surtout dans ses bis, la mélodie Non ti scordar di me et le Nessun dorma de Turandot, que sa voix est le mieux mise en valeur.
Ekaterina Gubanova possède un timbre chaud et un très beau registre grave qui lui permet une très belle incarnation de la Princesse de Bouillon dans Adrienne Lecouvreur. Elle choisit ensuite de donner les deux airs d'Eboli dans Don Carlos. Les vocalises de la Chanson du voile sont remarquablement négociées, malgré un tempo assez soutenu mais c'est surtout dans O don fatale qu'elle se taille un très beau succès. Son interprétation passionée n'exclut pas une très belle maîtrise du souffle et un remarquable phrasé. On regrettera donc que contrairement aux autres chanteurs, elle n'ait pu interpréter en bis qu'une prosaïque barcarolle des Contes d'Hoffmann.