On ne boude pas son bonheur d’entendre enfin une symphonie de Haydn dans une salle de concert parisienne. Pourquoi le plus grand symphoniste de l’histoire, celui que Mozart et Beethoven ont révéré, est-il sous-représenté dans les programmes de concert ? Unanswered question… Espérons que le nouveau directeur musical de l’Orchestre de chambre de Paris, Thomas Hengelbrock, qui assistait au concert ce mercredi au Théâtre des Champs-Élysées et qui n’ignore rien des classiques viennois, transformera l’essai magistralement réussi ce soir par ses musiciens, avec la Symphonie n° 80. Une symphonie créée le 13 mars 1785 à Vienne sous la direction de Mozart lui-même qui illustre, condense en quatre brefs mouvements tout ce qui fait le génie de Haydn.
C’est le jeune violon solo invité Afanasy Chupin qui dirige l'ensemble debout ainsi qu'on le faisait à l’époque de Haydn ; comme monté sur des ressorts, casque blond et archet virevoltant, il impulse dès l’Allegro spiritoso initial une énergie très Sturm und Drang. On admire une formation d'une formidable cohésion, qu'aucun des pièges tendus par Haydn – syncopes, silences, modulations – ne parvient à mettre à mal. L'ensemble sonne plus viennois que nature, comme en témoigne l'espèce de valse qui conclut le premier mouvement.
Le deuxième mouvement est plus un Andante con moto qu'un Adagio mais les musiciens laissent s'épanouir un thème de toute beauté. Le menuet qui suit sonne presque menaçant, avant que le trio – une mélodie grégorienne déjà utilisée par Haydn dans sa Symphonie n° 26 – ne ramène une tranquille sérénité. Le finale, à l'exemple du premier mouvement, combine virtuosité, contrastes entre les groupes instrumentaux et humour – une donnée essentielle chez Haydn – et donne à l'Orchestre de chambre de Paris l'occasion de briller de tous ses feux.
Puis Nicolas Altstaedt, chemise en lin et sarouel noirs, s’installe au milieu des musiciens pour diriger du violoncelle ce qu’on a toujours pris pour une œuvre mineure, les Variations rococo de Tchaïkovski. Dès les premières interventions des bois, on est au théâtre, dans Eugène Onéguine du même Tchaïkovski, le soliste comme ses comparses exacerbant les contrastes, au risque d’une virtuosité surjouée et d’une certaine sécheresse du son d’ensemble. Mais Nicolas Altstaedt donne à ces variations une envergure qu’on ne leur connaissait pas. Le violoncelliste se fait un peu prier pour nous offrir un bis. Dommage qu’il ne l’ait pas annoncé au public, d’autant que le lien avec la première œuvre du concert était évident : c’est le mouvement lent de la Symphonie n° 13 de Haydn, composé comme un concerto pour violoncelle.