« Parlez-moi d’amour », tel est le titre du récital que Patricia Petibon et sa complice la pianiste Susan Manoff proposent ce 9 mars à la Salle Gaveau. Au programme, des mélodies et des chansons contemporaines, qui en français, anglais, espagnol et portugais, nous font voyager entre Europe et Amériques, entre tradition et modernité, musique populaire et chant lyrique.
L’éclectisme de ce programme sied à merveille à la personnalité et à la voix de la pétillante Patricia Petibon, qui offre ce soir une nouvelle et éblouissante démonstration de l’étendue de ses ressources vocales. Le récital s’ouvre sur Sure on this shining night, une mélodie composée par Samuel Barber sur un poème de James Agee. Portée par le jeu délicat de Susan Manoff, la voix s’envole et recouvre le public d’un voile éthéré qui fait entrevoir le scintillement des étoiles. La ligne épurée, le vibrato parcimonieux, les pianissimo d’une infinie délicatesse laissent espérer – à tort, hélas ! – un concert tout entier sous le signe de la simplicité. Vient ensuite l’arrangement par Benjamin Britten de la célèbre chanson Greensleeves : plus distancié, le chant touche d’autant moins que Patricia Petibon l’accompagne d’amples gestes du bras, parfaitement inutiles. On quitte ensuite les gris-bleus-verts anglo-saxons pour les rouges-orange-noirs de l’Espagne, avec A la mar, une mélodie composée par Nicolas Bacri à la demande de la chanteuse. Celle-ci y est tout autant à son aise et le public est instantanément transporté, tant est grande la puissance évocatrice de sa voix. L’atmosphère mélancolique, les longues notes dépourvues de vibrato et les arabesques ne sont pas sans rappeler les chants traditionnels judéo-espagnols. Des langueurs de l’amour on passe à la passion et à la sensualité avec deux pièces de Fernando Obradors, El Vito et Chiquitita la novia, où l’on oublie parfois que Susan Manoff joue du piano et non de la guitare. Avec Nesta rua d’Heitor Villa-Lobos, ce sont les tourments amoureux qui sont sublimées. On est frappé par la capacité de Patricia Petibon à passer d’un style à l’autre, d’une langue à l’autre, d’une palette à l’autre. Avec les Sanglots de Francis Poulenc, qui entrelace deux poèmes d’Apollinaire et multiplie les contrastes, le soprano se dédouble littéralement entre déclamation et lyrisme, entre aigus virtuoses et bas médium presque solennel.