On parle beaucoup dans les médias de la Philharmonie de Paris, nouvelle salle de concerts classiques inaugurée en janvier dernier. N’oublions pas pour autant qu’il existe dans la capitale une autre nouvelle salle superbe, l’Auditorium de Radio France, ouverte au public pour sa part il y a presque un an maintenant. Cet écrin de bois aux proportions plus modestes (et aussi plus chaleureuses) n’a rien à envier à l’acoustique de la Philharmonie, d’autant que c’est le même ingénieur qui a conçu les deux espaces sonores. Vendredi 23 octobre, comme la plupart des vendredis soirs, l’Auditorium accueillait un concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France, dirigé pour la première fois par le chef polonais Krzysztof Urbanski. Au programme, de la musique russe, avec une belle variété de styles : Tchaïkovski, Prokofiev, Stravinsky. La présence de l’excellent pianiste Nicholas Angelich et l’implication remarquable des musiciens de l’orchestre ont assuré la réussite de la soirée.
Le concert commence avec Roméo et Juliette, ouverture-fantaisie de Tchaïkovski (1870). Le lyrisme de son souffle mélodique lui a conféré une grande popularité au fil des ans. Alors que cette musique s’épanche assez naturellement, le chef Krzysztof Urbanski adopte une direction très maîtrisée, plutôt sage, en gardant les bras repliés près de son torse. La précision du son est impeccable, grâce à la grande qualité instrumentale de l’Orchestre Philharmonique de Radio France - notamment les pupitres de cordes, dont l’homogénéité se trouve amplifiée par l’acoustique ronde et moelleuse du lieu. On apprécie la qualité des différentes nuances, ainsi qu’une approche de l’œuvre pleine de délicatesse, ce qui confère au lyrisme évident des phrases une délicieuse élégance. L’interprétation est particulièrement appréciable parce qu’elle n’est jamais dans l’excès, mais toujours dans le raffinement. D’ailleurs, on entend à merveille les interventions de la harpe (ce qui n’est pas si fréquent, surtout avec un orchestre exploité à ce point). Cependant, le chef se montre dans l’ensemble trop discret, comme s’il manquait d’ampleur dans sa direction : rien d’autre ne fait défaut, et le résultat est par conséquent magnifique, mais il pourrait être encore plus splendide si chaque forte était mené à bout, chaque intention restituée avec une passion poignante.