En prélude à la parution du disque « Une soirée chez Berlioz » (Stradivari), l’amphithéâtre de la Cité de la Musique s’est transformé le temps d’un soir en salon romantique. En dépit des nombreux changements de plateaux et du va-et-vient de la belle harpe Blaicher 1830 (était-il impossible de songer à une scénographie moins prosaïque, en harmonie visuelle avec le projet ?), la jeune équipe réunie autour de Stéphanie d’Oustrac présente un florilège abondant de mélodies françaises dans leur écrin instrumental original. Autour de Berlioz, les oubliés Plantade, Lélu et autre Meissonnier plongent l’auditeur dans des mélodies sucrées, héritières des brunettes du XVIIIe siècle où le thème de l’amour prédomine. La harpe, la guitare ou le violoncelle étaient monnaie courante dans le cadre du bal ou du concert domestique un peu partout en Europe, et la romance le disputait en popularité avec les romans à l’eau de rose qui nourriront bientôt la fertile imagination d’une Emma Bovary.
Le jeune Berlioz n’est pas encore l’homme de la démesure et des grands rassemblements : il confie ses pensées à la seule guitare et, si l’on entrevoit déjà le mystère des Nuits d’été dans « La Captive », la plupart des mélodies empruntent un cadre moins ambitieux où l’on cherchera en vain les savoureuses torsions mélodiques et les audaces harmoniques de la maturité. Le charmant est bien représenté par le « Viens, d’Aurore » de Lélu ou le mozartien « Bocage que l’Aurore » de Plantade. Le brillant corniste Lionel Renoux fera découvrir une pièce de Vivier, curieux oxymore musical où une marche funèbre décrit « la foule joyeuse s’enivrant de fleurs et de danses » ! Dans le pastoral « Jeune pâtre breton » de Berlioz, le cor passe de la scène aux coulisses où l’écho de ses doux harmoniques enveloppe encore Stéphanie d’Oustrac. Les pièces délicates et intimes semblent en début de récital un cadre un peu étroit pour la jeune mezzo dont le vibrato s’apaisera dans la tendre pièce du célèbre flûtiste François Devienne « Vous qui loin d’une amante ».