C’est peu dire que les attentes étaient élevées pour ce concert du Belgian National Orchestra, et ce pour plusieurs raisons : le retour du public (l’abandon de la stupide norme de 200 spectateurs maximum par salle pour en revenir à une bien plus satisfaisante jauge de 70% de la capacité totale), les retrouvailles de l’orchestre national avec celui qui fut son chef de 2002 à 2007 et y avait laissé tant de beaux souvenirs, et la présence de Hilary Hahn qui ne s’était plus produite avec la formation bruxelloise depuis 2005.
Sur la foi de ce captivant concerto de Sibelius, c’est ne pas s’avancer imprudemment que de dire que pour ce qui de la totale maîtrise de tous les aspects de la technique de l’instrument (justesse infaillible, contrôle de l’archet phénoménal, qualité du phrasé, beauté et égalité du son, vibrato), la violoniste américaine n’a aujourd’hui que peu de rivaux. Même le plus pinailleur des critiques serait incapable de déceler le moindre point faible dans une technique à ce point parfaite qu’elle se fait oublier et qui, surtout, n’est en aucune façon une fin en soi. Si dans les années 2000 ses interprétations pouvaient sembler un peu placides, ce que Hilary Hahn offre en cette après-midi au Palais des Beaux-Arts montre à suffisance qu’elle est bien passée du stade de jeune musicienne surdouée à celui d’authentique artiste.
Dès sa première intervention dans l’Allegro moderato introductif, on est frappé par la pureté de la sonorité merveilleusement égale de la violoniste et plus encore par la délicatesse et la poésie frémissante de son interprétation. Hilary Hahn réussit à donner à ce cheval de bataille virtuose une inattendue dimension onirique qui culmine dans des cadences où le temps semble comme suspendu. Ce qu’on entend est vraiment magnifique et plus d’un spectateur aura dû se retenir pour ne pas applaudir à l’issue de ce premier mouvement ! La musicienne étonne un peu au début de l’Adagio di molto en optant pour une sonorité assez monotone et un discours curieusement lisse. Mais elle va peu à peu colorer son jeu et creuser davantage la partition. Après cette légère baisse de tension, la soliste termine par un finale envoûtant qui aura certainement laissé plus d’un auditeur médusé. La salle lui fait un triomphe mérité auquel il faut associer le BNO et Mikko Franck. Ce dernier, qui peut compter sur un orchestre en pleine forme et qui accorde à son ex-directeur musical sa collaboration inconditionnelle, met en valeur aussi bien les richesses de l’écriture de Sibelius que les finesses de son orchestration, et ce tout en propulsant sans cesse le discours.