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Tugan Sokhiev soulève le Philhar' dans la Deuxième Symphonie de Rachmaninov à Toulouse

Por , 06 diciembre 2024

En ce jeudi soir, Tugan Sokhiev retrouve Toulouse et la Halle aux grains, mais pas « son » Orchestre du Capitole : c'est à l'invitation des Grands Interprètes qu'il dirige pour la deuxième fois l'Orchestre Philharmonique de Radio France. La première n’avait pas laissé un souvenir impérissable, mais celle-ci marquera certainement les musiciens !

Jean-Frédéric Neuburger, Tugan Sokhiev et l'Orchestre Philharmonique de Radio France
© Grands Interprètes - Toulouse

Le début de concert est cependant sobre ; dans le Onzième Concerto pour piano de Haydn, Sokhiev adopte une direction minimaliste et prend le parti d’un grand son confortable, avec cinquante musiciens parmi les cordes et l’usage un peu systématique du contraste forte-piano. Le piano de Jean-Frédéric Neuburger est impressionnant, large, présent, en accord avec Philhar’. Ses prises de parole solistes sont bluffantes de maîtrise, que ce soient les arpèges du premier mouvement ou le chant du Poco Adagio, doté d’ornements de qualité.

Sokhiev se libère davantage ensuite dans le Capriccio pour piano et orchestre de Stravinsky. Considéré comme un exercice de style, rarement joué, l'ouvrage était pourtant vu positivement par le critique Émile Vuillermoz, contemporain de Stravinsky, qui y retrouvait « certaines des qualités saisissantes qui avaient valu [au compositeur] son foudroyant succès et dont il semblait s’être depuis complètement désintéressé ».

Saisissant, c’est le mot ! On est happé dès l’introduction par cette alliance de sons, ces paires d’instruments improbables, ces contrastes de timbres et ces dissonances. Sokhiev cherche la confrontation, entre instrumentistes, avec Neuburger ; il n’est jamais aimable et c’est ce chien qui donne une saveur à la partition. On est pris par l’urgence et parfois la violence du jeu du pianiste, particulièrement dans les passages plus rhapsodiques de l’Andante. De même que par la magnifique clarinette basse et le ripieno des cordes (les quatre solistes) superbement mis en avant. Les mimiques chaloupées du chef dans l’Allegro capriccioso achèvent d’embarquer un Philhar’ dont l’engagement physique est constant ; les traits fusent avec une maîtrise absolue des entrées et des niveaux de nuance.

Il faut bien redescendre et reprendre des forces, pour attaquer ensuite une Deuxième Symphonie de Rachmaninov qui va illuminer la salle sous la direction inspirée de Sokhiev. La musique sourd du chef et se diffuse dans les rangs de l’orchestre ; les mouvements de ses mains et de son corps entier, tantôt impérieux, tantôt swinguants, jamais insignifiants, captivent visiblement les musiciens qui ne cachent pas leur joie de jouer avec lui, pour lui. L’immense arche de l’introduction, sur une idée musicale unique, se déploie avec un bon sens de la narration et de la ligne ; comme si l’on était placé devant un grand tableau de flocons blancs, qu’un conférencier passionnant nous détaille longuement. Les moments de forte intensité se succèdent en nous donnant un sentiment de plénitude et de beauté.

Le Scherzo est exubérant et jouissif, son fugato central, plutôt posé, est martelé et captivant. L’angoisse qui nous étreint est balayée par le souffle de la clarinette solo de Nicolas Baldeyrou : les yeux dans les yeux, il offre à Sokhiev sa longue cantilène du troisième mouvement, ces notes simples accompagnées d’une riche harmonie des cordes comme un coussin moelleux. Ensuite c’est le miracle de ces contrechants que l’on aime tant chez Rachmaninov, pris à la juste nuance…

D’où vient le sentiment que le finale s'essouffle un peu ? Percussions et cuivres sont presque sages, manquant de panache pour nous bousculer. Pourtant la partition est une matière hautement inflammable, avec ses pizzicati, sa joie de vivre et ses couleurs. La fameuse rythmique conclusive longue-deux brèves-longue (entendre « Rach-mani-nov »), que l’on retrouve dans les Deuxième et Troisième Concertos pour piano, nous fouette finalement et l’on sort dans la nuit encore grisé par l’élan de la soirée.

****1
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“la symphonie de Rachmaninov va illuminer la salle sous la direction inspirée de Sokhiev”
Crítica hecha desde Halle aux grains, Toulouse el 5 diciembre 2024
Haydn, Piano Concerto in D major, Hob XVIII:2
Stravinsky, Capriccio for Piano and Orchestra
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Jean-Frédéric Neuburger, Piano
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