En ce jeudi soir, Tugan Sokhiev retrouve Toulouse et la Halle aux grains, mais pas « son » Orchestre du Capitole : c'est à l'invitation des Grands Interprètes qu'il dirige pour la deuxième fois l'Orchestre Philharmonique de Radio France. La première n’avait pas laissé un souvenir impérissable, mais celle-ci marquera certainement les musiciens !
Le début de concert est cependant sobre ; dans le Onzième Concerto pour piano de Haydn, Sokhiev adopte une direction minimaliste et prend le parti d’un grand son confortable, avec cinquante musiciens parmi les cordes et l’usage un peu systématique du contraste forte-piano. Le piano de Jean-Frédéric Neuburger est impressionnant, large, présent, en accord avec Philhar’. Ses prises de parole solistes sont bluffantes de maîtrise, que ce soient les arpèges du premier mouvement ou le chant du Poco Adagio, doté d’ornements de qualité.
Sokhiev se libère davantage ensuite dans le Capriccio pour piano et orchestre de Stravinsky. Considéré comme un exercice de style, rarement joué, l'ouvrage était pourtant vu positivement par le critique Émile Vuillermoz, contemporain de Stravinsky, qui y retrouvait « certaines des qualités saisissantes qui avaient valu [au compositeur] son foudroyant succès et dont il semblait s’être depuis complètement désintéressé ».
Saisissant, c’est le mot ! On est happé dès l’introduction par cette alliance de sons, ces paires d’instruments improbables, ces contrastes de timbres et ces dissonances. Sokhiev cherche la confrontation, entre instrumentistes, avec Neuburger ; il n’est jamais aimable et c’est ce chien qui donne une saveur à la partition. On est pris par l’urgence et parfois la violence du jeu du pianiste, particulièrement dans les passages plus rhapsodiques de l’Andante. De même que par la magnifique clarinette basse et le ripieno des cordes (les quatre solistes) superbement mis en avant. Les mimiques chaloupées du chef dans l’Allegro capriccioso achèvent d’embarquer un Philhar’ dont l’engagement physique est constant ; les traits fusent avec une maîtrise absolue des entrées et des niveaux de nuance.