Dans la longue introduction orchestrale du Troisième Concerto pour piano de Beethoven, Sunwook Kim dirige le Chamber Orchestra of Europe avec beaucoup de simplicité. Son geste est calme, précis, direct. Sans partition, la queue de son piano placé comme un éperon, il est au cœur de l’orchestre, resserré dans l’espace de la Halle au grains autour de lui. Quand il s’assied sur son tabouret, l’élan glisse entre l’orchestre et le piano dans une grande cohérence, une belle alliance des timbres, le dialogue est fluide. On est frappé par la qualité de chant des premiers violons. Frappé aussi par l’évidence du jeu du timbalier Robert Kendell, hyper concentré, véritable serviteur du rythme, sobre, efficace et justement présent.
La cadence de l’« Allegro con brio » est ultra engagée. Engagé, c’est un mot-clé de ce soir. La dynamique est spectaculaire, avec un volontarisme confinant au brutal – au sens jouissif que lui donnent les Tontons flingueurs. Sunwook Kim ne nous ménage pas. On jette un pont par-dessus le « Largo » et voilà déjà le « Rondo » final, aux rythmes serrés, au tempo enlevé : la joie d’être Toulousains ce soir, de vivre ce moment fiévreux se lit sur les visages des musiciens. Ils déclenchent des sourires communicatifs et le public jubile.
Dans un ordre logique, on entre ensuite doucement dans le Quatrième Concerto, pris dans le même sentiment de communion entre piano et orchestre. Les mains de Sunwook Kim ne s’arrêtent jamais : quand elles ne jouent pas, elles dansent. Il dépasse, il sublime les difficultés de la partition, parvenant d’un regard à tempérer l’ardeur d’une clarinette, d’un haussement des pommettes à presser des altos. Engagé, encore : il manque de tomber de son tabouret, met la lyre à mal sous la pression de son pied droit qui transcende les liaisons de la partition, transpire à grosses gouttes sans avoir l’air d’en être gêné.