Grande soirée au Victoria Hall qui rassemblait un duo fabuleux : la violoniste allemande Anne-Sophie Mutter et le moins connu, mais non moins fameux, Lambert Orkis.
Cette grande artiste a bien sûr interprété les plus grands concertos du répertoire, de toutes époques, mais depuis de nombreuses années, elle se dédie au répertoire chambriste avec le pianiste américain Lambert Orkis, qui fut l’accompagnateur, entre autres, de Mstislav Rostropovich pendant de nombreuses années, et avec quel bonheur !
A son arrivée sur scène, les courbes magnifiées par une robe soyeuse mordorée, faisant écho au Victoria Hall plongé dans la pénombre, nous pouvions craindre une star qui allait nous en montrer et faire montre… Il n’en fut rien, la soirée fut magistrale.
L’osmose entre les deux artistes est parfaite, chacun attentif à l’autre, laissant la place à un jeu délibérément équilibré mais ne tombant jamais dans une démarche stérilement didactique. Chaque effet semble relever de l’émotion pure et du ressenti, Anne-Sophie Mutter offrant à l’auditeur des sons proches du néant, à la limite de la cassure, du son blanc. Mais du coup, l’attention est portée au summum et néanmoins sans affectation.
La sonate de Brahms fut une introduction parfaite, somptueuse, les riches harmoniques du violon se mêlant aux mélismes profonds du piano brahmsien. L’allegro amabile relevant le caractère décidé de la violoniste, toutefois attentive au vrai discours nécessaire fait de réponses entre le piano et le violon, nul n’étant le faire-valoir de l’autre. La sonate de Beethoven fut un miracle de délicatesse et un dialogue permanent qui respire l’intelligence spontanée, ne présentant aucune affectation ni effet péremptoire. Le mouvement « Adagio espressivo » fit frissonner : Lambert Orkis délivre un délice de touché, un legato somptueux, étirant les phrasés, jamais anodin, jamais dans la facilité. Ce Beethoven fut classique dans sa pureté et romantique dans son exaltation. La sonate d’Ottorino Respighi fut caractérisée par un vibrato un peu plus large, très expressif, convenant particulièrement au romantisme de la pièce, le deuxième mouvement fut élégiaque à souhait, et quant au 3ème mouvement, il révéla la palette d’émotion de l’artiste, se faisant plus âpre et rugueuse.