Assister en concert à la Symphonie n° 2 de Mahler est toujours un événement unique. De par sa démesure, sa puissance et la passion qui s'en dégage, c'est certainement l'une des symphonies les plus appréciées du compositeur. À la tête d'un Belgian National Orchestra (BNO) en grand effectif, du Chœur Symphonique Octopus associé au Brussels Chamber Choir et avec deux solistes habituées du répertoire mahlerien, Hugh Wolff signe une interprétation éclatante et organique dans la Grande Salle Henry Le Bœuf de Bozar.
La soirée débute en trombe avec un orchestre immédiatement déchaîné. Les différents pupitres débordent d'énergie, les accents claquent et les contrastes sont poussés à l'extrême. On peine à croire que le chef pourrait maintenir un tel niveau de tension pendant tout le mouvement. Heureusement, Hugh Wolff joue sur des contrastes de nuances et d'expression presque excessifs afin de relancer constamment le discours musical et fait fleurir dans l'orchestre une quantité éblouissante de détails. Pourtant la musique de Mahler ne se trouve à aucun moment morcelée : grâce une science maîtrisée de la transition et du phrasé, les différents événements de cet « Allegro maestoso » s'enchaînent très naturellement. Le souffle puissant et organique qui se dégage de cette interprétation trouve pourtant quelques faiblesses dans un pupitre de bois au phrasé trop rigide, au timbre quelque peu disgracieux et à la justesse approximative. Cet aspect presque grinçant aurait certainement eu toute sa place dans le troisième mouvement, malheureusement il demeure tout le long de la soirée et devient véritablement gênant dans les deuxième et quatrième mouvements.
Lorsque le second mouvement débute, on se trouve déconcerté par un tempo plutôt vif. Les phrasés des cordes et des vents ne parviennent d'ailleurs pas à s'y épanouir pleinement. Heureusement, Wolff peut compter sur un pupitre de cordes éblouissant : dans la mélodie comme dans l'accompagnement, dans la délicatesse comme dans l'agression, les archets du Belgian National Orchestra font de véritables miracles.
Les qualités dramatiques du début du concert se retrouvent dans le troisième mouvement. À contre-pied de la noirceur grinçante que pouvait proposer Leonard Bernstein en son temps, le chef titulaire du BNO insuffle dans cette danse une douce lumière. Animé de gestes très précis, il chemine entre naïveté et tragédie grâce à une palette d'ambiances et de couleurs, un équilibre orchestral et une tension dans le phrasé proprement prodigieux.