L’impressionnante Quatrième Symphonie de Górecki se sera fait attendre. L’oeuvre fut achevée en 2006, mais il a fallu que ses enfants retrouvent une esquisse complète de partition des années plus tard pour qu’elle prenne vie, puisqu’à sa mort en 2010, le compositeur ne la jugeait pas encore prête. Patiemment, le fils de Henryk Górecki, Mikołaj, reconstitua l’instrumentation de l’oeuvre, à partir des notes de son père et de souvenirs de leurs discussions. Enfin, au printemps 2014, l’oeuvre fait sa première mondiale au Royal Festival Hall.
L’oeuvre s’intitule Tansman Episodes, un titre plus ambigu que celui de la Symphonie des Chants Plaintifs si connue. Górecki n’avait pas a priori de connexion évidente avec le compositeur Alexandre Tansman, mis à part leurs origines polonaises, mais s’est laissé convaincre d’écrire une oeuvre inspirée par lui. Górecki n’était pas un homme à trop se hâter lorsqu’il s’agissait de commissions, d’après Adrian Thomas, spécialiste du compositeur qui présentait une introduction à l’oeuvre avant le concert. Plutôt que de suivre la trame de la vie de Tansman, ou de s’inspirer musicalement de son oeuvre (bien qu’il ait poursuivi des recherches pendant plusieurs années dans ces deux directions), Górecki a choisi de laisser se manifester la présence de Tansman dans la Symphonie par un petit jeu Baroque: une mélodie codée suivant les lettres du nom du compositeur.
Cela dit, le London Philharmonic Orchestra a fait le choix plaisant d’inclure un morceau de Tansman dans la programmation, et la superposition est certainement intéressante. Il n’est peut-être pas question de citation ou d’inspiration explicite, mais le programme est tout de même lié par une idée d’hommage ou de mémoire, ce qui lui donne une cohérence thématique, sinon musicale. Pourtant, certaines idées réapparaissent en douceur tout au long: le contraste; la mélodie qui se détache, a priori décalée par rapport aux accords sous-jacents; les échos du Baroque ou du Jazz.
Stèle in memoriam Igor Stravinsky, d’Alexandre Tansman, passe des accords hantants, sombre, éthérés, à d’autres moments plus féroces, presque filmiques, avec une fascination pour le contraste qui rappellera Górecki. Bien que plus conventionnelle en termes de structure que la Symphonie de son compatriote, l’oeuvre, portée en particulier par la délicatesse des vents du LPO, offre quelques moments remarquables.
Le Concerto en ré pour violon de Stravinski allège le programme, histoire de souffler avant l’attaque de Górecki. Julian Rachlin en livre une interprétation dynamique, charmante, espiègle, soulignant à merveille la virtuosité du morceau.
Enfin, après l’entracte, on arrive à cette Symphonie no. 4, Tansman Episodes. Et on s’en trouve cloué au siège. Cette oeuvre nous rappelle qu’à ses débuts, avant la popularité internationale inattendue atteinte par sa Troisième Symphonie dans les années 90, Górecki était l’enfant terrible de l’avant-garde polonaise.