Place forte parmi les concours internationaux, le Concours de Genève s’apprête à donner le coup d’envoi de sa 73e édition, consacrée au piano et à la clarinette. Rencontre avec Didier Schnorhk, secrétaire général du Concours, qui nous dévoile les rouages de l’institution genevoise et les épreuves qui attendent les candidats…
Bachtrack : L’année prochaine, le Concours de Genève fêtera ses 80 ans. Comment expliquez-vous une telle longévité dans un paysage qui a connu des zones de turbulence ?
Didier Schnorhk : La longévité, c’est ce qui est le plus difficile en matière de projet culturel. Cela demande à la fois de l’ambition et une certaine humilité : on doit avoir un projet fort mais aussi savoir l’ancrer dans sa communauté, constituer un groupe de soutiens fidèles. Dès le début, le Concours de Genève a pu compter sur des partenaires importants : les entités publiques de sa région, les institutions artistiques (orchestre, conservatoire, opéra, radio-télévision, etc.) et de nombreux soutiens privés. Tout l’enjeu au fil des ans est de garder auprès de nous l’ensemble de ces appuis et d’en trouver de nouveaux. Certes, les succès, les grands noms révélés sont autant de moyens de fidéliser les hommes, mais tout autant la capacité à se remettre en question, innover, prendre des risques calculés. Nous croyons que cette attitude positive et réflexive (s’appuyer sur la tradition tout en accueillant la nouveauté) est l’une des forces du Concours de Genève. Il faut y ajouter aussi une gestion financière raisonnable et des structures institutionnelles fortes, où chacun sait ce qu’il a à faire et où les rôles sont bien séparés.
Vous avez reçu un nombre record d’inscriptions cette année, en piano comme en clarinette. Comment s’est déroulée l’étape de présélection des candidatures ?
Depuis quelques années, nous avons choisi un mode de sélection sur vidéo, qui a l’avantage d’être ouvert à tout un chacun et qui permet au jury de présélection une certaine souplesse (rien ne sert d’écouter durant vingt minutes un candidat qui ne serait pas au niveau requis). L’abondance d’inscriptions a bien sûr rendu l’exercice difficile, long et parfois éprouvant : les jurés pianistes ont passé trois journées pleines à écouter, juger, réécouter, décider. On écoute toutes les œuvres proposées, au moins en partie, de façon équitable (sauf si d’évidence la personne n’a pas sa place dans une compétition internationale). Puis après un premier vote, on réécoute ceux pour lesquels la décision n’est pas évidente et on refait un tour de vote.
L’ambiance a été à la fois studieuse et détendue, le processus de vote transparent et efficace. Les membres du jury se sont montrés agréablement surpris par la facilité avec laquelle le vote a pu être bouclé, sans tension ni discussions inutiles.
Quelles épreuves attendent désormais les candidats ?
Comme à son habitude, le Concours de Genève propose un parcours de 4 étapes (en plus de la présélection) : deux récitals de 30 minutes (25 pour la clarinette) puis de 45 minutes, une demi-finale de 60 minutes puis une finale avec orchestre. Cette année, une œuvre de musique de chambre est imposée lors de la demi-finale. D’autres particularités notoires sont à relever : une pièce imposée (commande du Concours à un compositeur suisse) au premier récital pour les pianistes ; des œuvres de musique contemporaine au choix tant pour les pianistes que pour les clarinettistes ; un concerto contemporain imposé aux clarinettistes (en plus d’un concerto romantique) : l’œuvre primée l’an dernier lors de notre concours de composition. En somme, un parcours très diversifié, allant de la musique classique au contemporain, avec des étapes obligées (sonate de Beethoven, Debussy pour les pianistes, sonate de Brahms pour les clarinettistes, etc.). Le Concours de Genève se veut un concours généraliste et ouvert à toutes les musiques.
En son temps, le pianiste Aldo Ciccolini a déclaré, au sujet des concours internationaux : « Plus vous êtes doué, plus vous avez de la chance d’être recalé : avoir une personnalité, de nos jours, c’est devenu presque une honte ! » Que lui répondriez-vous aujourd’hui ?