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L'orfèvrerie sublime d’Arcadi Volodos à la Philharmonie de Paris

Por , 25 mayo 2024

C’est une grande salle Pierre Boulez clairsemée qui accueille Arcadi Volodos. Pourtant cet immense artiste tire chaque année de son piano une palette sonore absolument unique, d’une poésie sublime au-delà de l’imagination. Sa science de la nuance est à en perdre la tête : chaque pianissimo l’est davantage que le précédent alors que les forte résonnent tout en puissance sans heurter brutalement le tympan. Quelle que soit l’intensité de la note, le son remplit au millimètre cube près l’espace sonore de la salle. Aucun écho résiduel pour une immersion totale dans la musique, dont la direction narrative laisse toute pensée parasite au vestiaire. Pianiste démiurge, Arcadi Volodos crée un monde de chaque note, un univers de chaque œuvre, liant dans des résonances éthériques subtiles tous les éléments de cette cosmogonie.

Arcadi Volodos
© Marco Borggreve

La Sonate en la mineur D.845 de Schubert est interprétée tout en nuances d’argent. Le premier mouvement est baigné d’un climat fantastique, hanté par son premier motif à peine murmuré sous les doigts du pianiste. Le thème et variations qui suit exprime avec mélancolie les sentiments d’une vie entière, avec des passages d’une douceur incomparable. Le troisième mouvement décrit une scène sylvestre : des appels de cors s’interpellent, se rejoignent et s’éloignent dans un ballet spatialisé, avant de se recueillir lors du trio central, laissant dormir innocemment quelque créature merveilleuse au clair de lune. Ce moment de pure poésie vaut à lui seul l’ensemble de la programmation de la Philharmonie de Paris. Légèrement moins lisible, le véloce quatrième mouvement referme d’un flux miroitant parfois impétueux cette interprétation d’anthologie.

Comme elle est somptueuse, la couronne de David : sertie de gemmes multicolores et baignant de lumière, elle est finement ciselée de bas-reliefs où l’on voit les dix-huit scènes dansantes des Davidsbündlertänze que raconte Schumann en musique. Arcadi Volodos y dévoile un sens des silences et des enchaînements extraordinaire. Parfois à la limite de la bousculade, parfois posément, parfois dans un fondu imperceptible, les mouvements se suivent avec évidence, baignant dans un son lumineux aux mille nuances tamisées, entre certains moments solennels (numéros 9, 10, 15), d’autres plus entraînants (4, 6, 12) et quelques pièces divinement contemplatives (2,14, 17). Le tout alors que la musique avance sans cesse, pendant que l’artiste en révèle toute la richesse et la complexité polyphonique.

Après le mystère argenté de Schubert et la polychromie diamantaire de Schumann, le programme se clôt en nuances dorées avec la Rhapsodie hongroise n° 13 de Liszt. Quelques flammèches révèlent l’énergie de feux follets qui couvent sous les mélismes et les arpèges tziganes du début de l’œuvre, puis tout éclate dans le crépitement virtuose qui conclut brillamment la pièce. Arcadi Volodos en interprète son propre arrangement. Ce dernier corse une partition déjà monstrueusement difficile en y ajoutant quantité de notes. Pour amuser la galerie, diront les mauvaises langues. Il n’en est rien, tant cet arrangement magnifie la polyphonie de l’original en y ajoutant une vitalité exaltée. Cela n'empêche par le pianiste de trouver une main disponible pour replacer sa chaise pendant le morceau !

Chaque bis qui suit est accueilli comme un soulagement : le concert n’est pas fini ! Le lyrisme sucré de l'air Zdes' khorosho de Rachmaninov perd sous les doigts de Volodos son aspect de guimauve stéréotypée. À nouveau, l’arrangement de l’artiste révèle la philosophie de cette musique et nous rend addict à son glucose. Après ces rayons du crépuscule vient la joyeuse lueur du matin de printemps du Moment musical n° 3 de Schubert. La ductilité du détaché et les résonances discrètes de l’interprétation nous font redécouvrir l’œuvre. La Malagueña andalouse d’Ernesto Lecuona irise d’éclats de rubis l’espace sonore où tourbillonnent des danseurs virevoltants. C’est enfin dans une lumière d’éternité qu’Arcadi Volodos termine son récital en forme de lithothérapie, avec l’atemporelle et sereine sicilienne du Concerto pour orgue en ré mineur BWV 596 de Bach.

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“Arcadi Volodos crée un monde de chaque note, un univers de chaque œuvre”
Crítica hecha desde Philharmonie de Paris: Grande salle Pierre Boulez, París el 23 mayo 2024
Schubert, Sonata para piano en la menor, D.845
Schumann, Davidsbündlertänze, Op.6
Liszt, Rapsodia húngara núm. 13 en la menor, S 244/13 (arr. Arcadi Volodos)
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