En ouverture de leur saison 2014-2015 et préfigurant la célébration des 250 ans de Mozart prévue comme un voyage rétrospectif dans l’œuvre du compositeur, le Classical Opera, spécialiste en la matière, offrait au Barbican un concert de l’inachevé. Un programme monumental et une interprétation fidèle, pour un rendu presque trop soigné.
On connaît aujourd’hui du Requiem en ré mineur de Mozart comme de la Symphonie No. 8 de Schubert presque aussi bien leur histoire que leur musique. Origine de la commande pour le premier, causes de son inachèvement pour le second, les hypothèses ont été nombreuses mais semblent désormais converger : Franz comte von Walsegg, fidèle à son habitude de commander aux compositeurs en vogue des œuvres qu’il tentait de faire passer pour siennes lors de concerts privés, est à l’origine de l’œuvre de Mozart complétée par son élève Franz Xaver Süßmayr après sa mort ; et c’est la syphilis qui aurait arrêté Schubert à la 120ème mesure de son Scherzo ébauché comme troisième mouvement, laissant à sa symphonie en deux mouvements son nom d’Inachevée.
Quelle qu’en soit leur véracité, ces hypothèses apportent aujourd’hui des réponses rassurantes, qui peuvent donner à l’auditeur l’impression de maîtriser une œuvre dont la puissance dépasse. Et si ces deux monuments du répertoire sacré sont ainsi parmi les plus joués aujourd’hui, ils imposent à chacune de leur interprétation un renouvellement de la lecture comme de l’écoute, ce qui probablement en fait des chefs-d’œuvre atemporels.
Ian Page ce soir là semblait avoir décidé de les replacer dans leur contexte d’origine, en préférant rendre au programme sa cohérence de répertoire plus que son caractère funèbre. A commencer par sa battue, énergique et précisément balancée, qui marque le choix d’une lecture classique de la Symphonie inachevée. Allante, même sautillante dès les premières mesures en trois temps marqués, elle est à l’image de l’ouverture presque plus jubilatoire que tumultueuse du Motet de Haydn. Cette première partie prend la forme d’un sourire teinté d’ironie, où l’homogénéité des cordes qui se passent de vibrato, portées par un continuo constant et léger, compense les quelques à-côtés qui se dégagent des pupitres de vents. Dans la salle du Barbican, où instruments d’époques se côtoient, on est loin des interprétations lourdes qui surenchérissent dans le dramatique sous prétexte de relecture d’œuvres à programme. Le son dégagé est sec et très peu contrasté. La longue coda de l’Andante est livrée avec plus d’intensité néanmoins, juste ce qu’il faut pour rendre cette tension schubertienne, ce tiraillement, entre rigueur classique et passion romantique.