Au bout de quatre décennies de bons et loyaux services rendus à l'Auditorium de Lyon, à ses musiciens et à son public, un grand chef de chœur a tiré sa révérence : Bernard Tétu, qui faisait ici sa première préparation de chœurs en 1977-1978 pour Serge Baudo, alors directeur musical de l’ONL et désireux d’enregistrer Pelléas et Mélisande. C’est à nouveau avec un délicieux programme de musique française que se clôt un grand chapitre d’histoire vocale lyonnaise, bien que Bernard Tétu n’ait nullement décidé de se mettre à la retraite, comme en témoignent encore les festivals qu’il dirige ou auxquels il participe, lieux où il continue à transmettre son expérience et sa vision du chant choral : qu’il soit grand et expressif !
L’Auditorium, dans cette journée « Éclats de voix » du samedi 7 janvier 2017, a donné même deux occasions au chef de chœur pour faire entendre tout le potentiel de Spirito, ensemble vocal volubile, à géométrie et caractère variables, selon les besoins. Aussi une « Petite Suite de musique française » a-t-elle été donnée en début d’après-midi, entrée substantielle à laquelle suit désormais le plat de résistance.
Toujours à l’affût de partitions méconnues ou oubliées, Bernard Tétu a associé au Gloria et aux Litanies à la Vierge noire de Poulenc, dont on connaît le charme, quatre pièces sacrées qu’on n’a probablement jamais entendues ici. Elles semblent pourtant prédestinées pour une écoute à l’Auditorium et pour un accompagnement par son majestueux orgue Cavaillé-Col : César Franck ne les a-t-il pas composées pendant qu’il était le titulaire d’un instrument de même facture à la paroisse Sainte-Clotilde à Paris ? Surprenants dans leur distribution, les quatre motets sont chantés sans pupitre d’alto, étant pensés pour une maîtrise d’enfant, donc des sopranos assortis aux voix ayant déjà mué, ténor et basses, dont deux solistes. Leur attribution à un chœur adulte mixte et professionnel révèle tout le charme mystérieux de ce répertoire. Quare fremuerunt gentes (CFF 215), offertoire pour la fête de sainte Clotilde, envoûte la salle. La contrebasse et l’orgue qui accompagnent les trois pupitres sont d’une présence discrète mais très flatteuse pour ces belles voix dont le lyrisme affirmé va comme un gant à la musique française des années 1860. Dominum non secundum (CFF 213), pour le Carême, et Quae ista CFF 212), dédié aux fêtes mariales, entourent délicatement un Ave Maria (CFF 217), qui dans sa simplicité d’orchestration (soprano solo, violoncelle et orgue) vire à la musique de chambre de caractère sacré. Le violoncelle précède la voix chaleureuse et riche en harmoniques de Stéphanie Revidat de son chant mélancolique, et les timbres finalement proches l’un de l’autre semblent vibrer avec la même intensité, dessinant la même oscillation sonore dans l’espace.