Il en faut du courage pour affronter la redoutable acoustique du Théâtre Antique d’Orange ! Seul, au pied du mur et de la statue d’Auguste, le baryton gallois Bryn Terfel est parvenu à irradier le lieu lors d’un récital avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Mikko Franck.
La prestation du Philharmonique, comme lors de la représentation de Rigoletto deux jours auparavant, laisse perplexe tant la phalange se montre à la fois capable du meilleur et du moins bon. Le fait d’alterner des pièces issues de divers opéras ou du répertoire symphonique n’aide probablement pas à instaurer une certaine cohérence dans l’interprétation. On passe ainsi, dans la même soirée, de la Danse macabre de Saint-Saëns au final de Walküre de Wagner. Il n’empêche que l’accompagnement orchestral n’est pas toujours optimal comme dans la pièce de Saint-Saëns où les cordes, sans grand caractère, sonnent plus musique de dessin animé que danse macabre. A l’opposé, l’ouverture d’Orphée aux Enfers d’Offenbach est une merveille de subtilité et d’élégance : violon solo élégiaque, valses particulièrement aériennes et phrasés justement lyriques. Wagner ne résiste pas non plus aux musiciens de la formation de Radio-France même si la Chevauchée des Walkyries aurait probablement gagné à être traitée plus légèrement et avec plus d’entrain. Comme l’avant-veille, on retrouve également ce soir le même parti pris de tempi d'une lenteur parfois problématique.
Et Bryn dans tout cela ? Il emporte les spectateurs dans un voyage diabolique jubilatoire autour de ces Bad Boys qui jonchent les partitions lyriques. Présence irradiante, sens du texte irréprochable, investissement particulièrement incroyable et voix toujours aussi magistralement conduite auront été ses maîtres-mots pour la soirée.
Si Mefistofele est probablement trop grave pour sa voix, l’obligeant à appuyer lourdement ses graves, le chanteur apparaît totalement possédé et mène son texte avec une noirceur remarquable. Son Iago dans Otello prend le temps de distiller son venin et manie tel un sorcier les contrastes de couleurs avec crescendo/decrescendo superbement conduits. Dans Faust le chanteur peine à convaincre tout comme dans le Freischütz où le tempo trop lent le met en difficulté. Juste avant l’entracte, c’est un « It Ain’t Necessarily So » extrait de Porgy and Bess parfaitement swing et libéré de toute contrainte rythmique qui envoûte le Théâtre Antique.