Pianiste brésilien, ami de Martha Argerich et ayant étudié avec Nise Obino, Lucia Branco ou encore Bruno Seidhofer, Nelson Freire est un des habitués de Festival International de Piano de la Roque d’Anthéron. Certains pourront même se souvenir de l’ambiance unique d’un récital lors duquel le public était monté sur scène à proximité du piano pour s’abriter de la pluie. Cette année, dans le cadre de ce 34ème Festival de la Roque d’Anthéron, c’est un programme monumental que Nelson Freire nous proposait. Pour former le noyau de la première partie, rien de moins que l’ultime Sonate pour piano de Beethoven. Venaient ensuite quelques courts chefs-d’œuvre de Debussy et de Rachmaninov avant que la seconde partie ne s’achève en apothéose par les Études symphoniques de Schumann.
Cette succession de monuments du répertoire pianistique invitait l’interprète à déployer de multiples ressources techniques et stylistiques. D’emblée, la soirée était placée sous le signe de la surenchère avec l’Andante favori en fa majeur de Beethoven, pièce d’une apparente simplicité que le compositeur jouait fréquemment en public et dans laquelle la légère mélodie initiale réapparaît finalement renforcée par un jeu sur les différents registres du clavier.
Faisant suite aux traits fulgurants du premier mouvement, l’Arietta de la Sonate n°32 de Beethoven repose sur cette même idée d’amplification : d’abord énoncée dans sa simplicité première, la mélodie principale est ensuite enrichie de valeurs rythmiques toujours plus rapides, dans une vaste accélération pianissimo, en un processus allant de pair avec une véritable dilatation du temps musical. C’est ainsi que se referme cette Sonate en deux mouvements qui n’a pas manqué de surprendre les contemporains.
Enfin, on retrouvait ce même élan amplificateur dans les Études symphoniques. Dans cet ouvrage que Schumann remit maintes fois sur le métier, chaque pièce successive requiert un geste pianistique toujours plus impressionnant de virtuosité, en un grand crescendo vers la plénitude sonore. C’est Clara Wieck qui assura la première exécution publique de cette œuvre quasi athlétique, « avec un courage d’homme », selon les propres dires de Schumann.