Hélène Grimaud nous offre ce soir à l’Auditorium de Bordeaux un programme d’une grande unité, composé autour de l'inspiration aquatique. La première partie du récital est en effet dédiée à des pièces évoquant l’eau, la pluie ou encore la brume. La pianiste s’adonne à un registre plus dramatique dans la seconde partie avec la Sonate No.2 de Brahms.
Toute de blanc vêtue, enveloppée dans des voiles amples et légers rappelant la fluidité du thème de la soirée, Hélène Grimaud arrive d’un pas sûr mais tranquille sur scène. Sa présence scénique rentre tout à fait en accord avec son jeu et sa personnalité, magnifiés par ce programme aux évocations de l'eau.
Les deux premières pièces du programme sont les contemporaines Wasserklavier de Luciano Berio et Rain Tree Sketch II de Toru Takemitsu. La première - littéralement « piano d’eau » - est la troisième pièce du recueil 6 Encores de Berio, et annonce le thème du récital. La pianiste commence rapidement mais en douceur, perlant les accords comme de l’eau de pluie. Ses nombreux silences et ses notes longuement tenues créent une atmosphère mystérieuse, renforcée par des accélérations irrégulières dans un tempo général lent. Ce premier morceau apporte ainsi une couleur énigmatique, à la fois douce et moderne.
Hélène Grimaud poursuit avec Rain Tree Sketch II du célèbre compositeur japonais Takemitsu, écrit à la mémoire d’Olivier Messiaen. Dans cette pièce, sa virtuosité est mise à l’épreuve par de grands déplacements (elle parvient d’ailleurs à faire sonner magnifiquement les graves) et par la très grande accélération du début qui captive instantanément l’attention des spectateurs. La soliste démontre une grande facilité d'exécution malgré la difficulté à faire résonner tous les contrastes de la pièce, entre légèreté et profondeur, entre mode mineur et mode majeur. Sa main gauche rapide et solide est toutefois totalement synchrone avec sa main droite explorant les aigus du piano.
Le choix de Fauré et Ravel vient conforter l’unité du programme par sa délicatesse et sa sérénité, malgré des déplacements et des accents parfois plus graves et profonds. La Barcarolle No.5 de Gabriel Fauré déploie une amplitude de sons particulièrement riche tandis que les Jeux d’eau de Maurice Ravel révèlent la multitude de sensations que peut provoquer l'élément aquatique. Hélène Grimaud s’approprie avec espièglerie cette dernière pièce, faisant d'elle une œuvre presque visuelle. On voit les gouttes s’égrener çà et là, pêle-mêle, tout en scintillant à la lumière. De nouveaux Jeux d’eau, composés par Franz Liszt cette fois-ci, Les Jeux d’eau de la Villa d’Este, inspirent à la pianiste un jeu perlé comme pour rendre la cavalcade des gouttelettes à travers les éléments. Elle s’emporte aussi dans une course effrénée avec l’Almeria d’Albeniz, mais elle exprime encore une fois la finesse absolue de ses nuances qui ne sont jamais exagérées. L’extrême précision et synchronisation de son jeu révèlent de même la douce puissance de ce morceau.