Le public aixois de la onzième édition du Festival de Pâques aura été gâté en musique sacrée. Après deux oratorios, une passion et une messe, voilà qu’une nouvelle messe s’ajoute au menu : la Missa solemnis de Beethoven. Peu jouée en raison de son effectif conséquent et de son caractère massif très dense, l’œuvre mériterait d’être proposée plus souvent en ces temps géopolitiques pour le moins troubles : Beethoven y consigne son espoir philosophique dans la condition humaine tandis que la partition se clôt sur une imploration pour la paix.
À mi-chemin entre la messe, l’opéra et la passion, la Missa solemnis est un enchainement d'une vingtaine de numéros regroupés en cinq parties. Le concert du soir propose un surtitrage en français bienvenu pour les spectateurs non bilingues en latin ou n’étant pas expert de la liturgie chrétienne : cela permet d’apprécier pleinement sa mise en musique par le compositeur allemand. La partition fait la part belle au chœur, et quel chœur ! La Audi Jugendchorakademie est véritablement une Rolls parmi les formations chorales. Voix pures à la justesse et à la diction remarquables, variant les dynamiques tout au long de l’œuvre sans faiblir, ses membres semblent capables de toutes les prouesses techniques, à l’image du pupitre de sopranos franchissant sans effort les intervalles escarpés du Kyrie.
Aux côtés du chœur, le quatuor soliste, emmené par une Chen Reiss et un Daniel Behle très en forme, fait preuve d’une homogénéité rare. On aimerait retrouver ensemble les quatre interprètes dans une Neuvième Symphonie du même Beethoven. Leurs timbres se marient à merveille non seulement entre eux – le Christe eleison et le Qui tollis sont exemplaires – mais aussi avec le chœur et l’orchestre. C’est pour le mieux car le compositeur ne leur offre pas de morceau de bravoure comme dans la plupart des grandes messes, notamment celles de Bach ou de Mozart : ici les solistes font humblement partie d’un grand tout.
Jouant sur instruments d’époque et faisant preuve d’une belle cohésion, le Cercle de l’Harmonie a fort à faire. Les cordes doivent souvent batailler avec les doubles croches, tandis que tout l’ensemble doit parfois lutter pour se faire entendre en soutien des choristes dans les passages forte. L’orchestre est également capable de moments de recueillement habités, comme au début du Sanctus : les altos et violoncelle tissent un tapis sonore moelleux, irisé par les interventions des instruments à vent, un écrin dans lequel se fond le quatuor soliste avec grand art.