ENFRDEES
La web de música clásica

La Missa solemnis exemplaire de Jérémie Rhorer au Festival de Pâques d’Aix

Por , 07 abril 2024

Le public aixois de la onzième édition du Festival de Pâques aura été gâté en musique sacrée. Après deux oratorios, une passion et une messe, voilà qu’une nouvelle messe s’ajoute au menu : la Missa solemnis de Beethoven. Peu jouée en raison de son effectif conséquent et de son caractère massif très dense, l’œuvre mériterait d’être proposée plus souvent en ces temps géopolitiques pour le moins troubles : Beethoven y consigne son espoir philosophique dans la condition humaine tandis que la partition se clôt sur une imploration pour la paix.

Jérémie Rhorer au Festival de Pâques
© Caroline Doutre

À mi-chemin entre la messe, l’opéra et la passion, la Missa solemnis est un enchainement d'une vingtaine de numéros regroupés en cinq parties. Le concert du soir propose un surtitrage en français bienvenu pour les spectateurs non bilingues en latin ou n’étant pas expert de la liturgie chrétienne : cela permet d’apprécier pleinement sa mise en musique par le compositeur allemand. La partition fait la part belle au chœur, et quel chœur ! La Audi Jugendchorakademie est véritablement une Rolls parmi les formations chorales. Voix pures à la justesse et à la diction remarquables, variant les dynamiques tout au long de l’œuvre sans faiblir, ses membres semblent capables de toutes les prouesses techniques, à l’image du pupitre de sopranos franchissant sans effort les intervalles escarpés du Kyrie.

Aux côtés du chœur, le quatuor soliste, emmené par une Chen Reiss et un Daniel Behle très en forme, fait preuve d’une homogénéité rare. On aimerait retrouver ensemble les quatre interprètes dans une Neuvième Symphonie du même Beethoven. Leurs timbres se marient à merveille non seulement entre eux – le Christe eleison et le Qui tollis sont exemplaires – mais aussi avec le chœur et l’orchestre. C’est pour le mieux car le compositeur ne leur offre pas de morceau de bravoure comme dans la plupart des grandes messes, notamment celles de Bach ou de Mozart : ici les solistes font humblement partie d’un grand tout.

Jouant sur instruments d’époque et faisant preuve d’une belle cohésion, le Cercle de l’Harmonie a fort à faire. Les cordes doivent souvent batailler avec les doubles croches, tandis que tout l’ensemble doit parfois lutter pour se faire entendre en soutien des choristes dans les passages forte. L’orchestre est également capable de moments de recueillement habités, comme au début du Sanctus : les altos et violoncelle tissent un tapis sonore moelleux, irisé par les interventions des instruments à vent, un écrin dans lequel se fond le quatuor soliste avec grand art.

La Missa solemnis dirigée par Jérémie Rhorer au Festival de Pâques
© Caroline Doutre

À la tête de cette foule de musiciens, Jérémie Rhorer fait attention à ne pas noyer l’auditeur dans les déflagrations de la partition. Attentif aux équilibres, il n’hésite pas à demander aux cordes et au chœur de maîtriser leur volume sonore afin de pouvoir faire entendre les bois, dont la puissance sur instruments anciens est logiquement relative. Hormis un léger décalage au début de la fugue qui clôt le Osana, le chef gère par ailleurs de manière très convaincante les nombreux changements de tempo. Revers de la médaille, cette exactitude rythmique associée à une battue parfois très décomposée provoque un manque d’allant par moment. Se passer de répéter systématiquement le cadre strict de la mesure aurait permis d’éviter ce piège, notamment lorsque la timbale est là pour marquer les temps.

Ménageant des pauses entre les grandes parties de l’œuvre, le chef aura su conduire cette œuvre de longue haleine en en restituant la longue progression monumentale sans en surjouer le dramatisme. L’acoustique un peu sèche du Grand Théâtre de Provence aura peut-être amoindri la grandeur de la partition : la comparaison avec la représentation à venir à la Philharmonie de Paris le 23 avril prochain promet d’être intéressante.


Le voyage de Pierre a été pris en charge par le Festival de Pâques d'Aix-en-Provence.

****1
Sobre nuestra calificación
Ver la programación
“La partition fait la part belle au chœur, et quel chœur !”
Crítica hecha desde Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence el 6 abril 2024
Beethoven, Missa solemnis en re mayor, Op.123
Le Cercle de l'Harmonie
Audi Jugendchorakademie
Jérémie Rhorer, Dirección
Chen Reiss, Soprano
Varduhi Abrahamyan, Mezzosoprano
Daniel Behle, Tenor
Johannes Weisser, Bajo-barítono
Kent Nagano's farewell to Hamburg: Nante and Brahms in dialogue
****1
In Widmanns Arche hat vieles Platz
****1
Le Cercle de l’Harmonie rafraîchit le Festival Berlioz
****1
Au Gray du public : Les Noces de Figaro au TCE
***11
Au TCE, La Traviata fait éclore une magnifique Violetta
****1
Tales from the Stave: Barbiere at EIF
****1
Más críticas...