Par une soirée d’été caniculaire, Jordi Savall et Le Concert des Nations ont réalisé la prouesse de faire voyager toute l’audience à travers le temps. Munis d’instruments d’époque et de leurs ornements les plus expressifs, les artistes ont su proposer une interprétation riche et incarnée. Retour sur un concert à la contextualisation historique bien étoffée.
Pour sa 70e édition, le Festival de Menton a choisi d’ouvrir les hostilités avec l’alléchante thématique des éléments : tempêtes, orages et fêtes marines. Dans cette situation tourmentée, rien de mieux que de faire appel aux compositeurs baroques, dont le sujet en inspira plus d’un.
À 21h30, le spectacle s’ouvre sur Music for The Tempest, de Matthew Locke, musique de scène dont l’écriture a été inspirée par La Tempête de Shakespeare. Dès le départ, exit tout vibrato qui rappellerait le XIXe siècle et cap vers l’âge baroque. En effet, il existe des sonorités, comme celles du cor naturel, qui ont le pouvoir de nous transporter vers d’autres époques. En quelques notes, les interprètes donnent vie aux lignes mélodiques de Locke, parfois tortueuses, parfois dansantes. La direction de Jordi Savall est précise, juste et efficace, loin des exubérances romantiques. Il transmet l’essentiel par son regard et ses respirations expressives.
Véritable temps fort de la soirée, le flûtiste à bec Pierre Hamon se livre au double rôle de soliste et de chef dans le Concerto en Fa Majeur, « La tempesta di mare » RV 433 de Vivaldi. Ses traits rapides et lyriques forment un va-et-vient qui évoque le mouvement des vagues. Son jeu naturel transmet avec intelligence l’univers tumultueux de l’œuvre. Loin de couvrir l’instrument au faible volume sonore, l’orchestre dialogue, imite et soutient le soliste de manière équilibrée. Pas encore prête à se calmer, la tempête reprend de plus belle avec le déchaînement des Éléments de Rebel. La pièce débute par un accord dramatique reprenant toutes les notes de la gamme, provoquant alors une dissonance inédite pour l’époque. Tout au long de cette suite de danses, les interprètes se livrent à une surenchère de tension qui ne sera apaisée que par de délicats chants d’oiseaux incarnés par les flûtes et le violon.