Stefano Montanari a étonné ce dimanche dans la confrontation de son répertoire de prédilection, le baroque, à l’écriture ultra-contemporaine de Nico Muhly. Accompagné par les musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, le violoniste italien a privilégié l’expressivité, quitte à ne pas produire un son parfaitement lisse.
Le Concerto Grosso Op. 6 No.4 débute par un Larghetto affetuoso très bien senti, langoureux, pourvu de belles ornementations. Mais comment se fait-il que les premiers violons et le soliste ne soient pas parfaitement à l’unisson ? L’archet balaie l’Allegro, nerveux, en un clin d’œil, avant que la tendresse ne revienne dans le Largo piano. Le quatrième mouvement, Allegro aussi, fait comprendre comment fonctionne Stefano Montanari. C’est l’un de ces chevaliers noirs dont l’identité inconnue détonne dans les tournois médiévaux. Et c’est comme eux que le soliste tout en noir, des bottes à la tunique zippée, en passant par le pantalon en cuir, semble n’en faire qu’à sa tête, mais sa chevauchée est élégante dans sa sauvagerie.
Puis arrive le moment qu’on a attendu peut-être plus encore que Stefano Montanari dans Haendel : un spécialiste du baroque dans un concerto pour violon électrique créé en 2008. Seeing is believing débute par des cris du violon qui rappellent le lancinant motif d’Il était une fois dans l’Ouest. Sauf que, depuis l’invention du Western, ça fait longtemps qu’il faut chercher l’épique ailleurs : dans le cosmos. Nico Muhly dit avoir « voulu imiter le processus par lequel, grâce à l’observation, une série de points dans le ciel devient une ligne. » Le tutti se montre en effet parcellaire, par éclats, alors que le violon constitue le liant, souvent par des moments où le vrai lyrisme est à l’œuvre. Le procédé le plus extraordinaire de cette pièce, qui intègre vents et percussions, est la mise en abyme, abondamment utilisée. Montanari dessine le motif principal, méditatif, dans les aigus, s’arrête, manipule le box qui se trouve à ses côtés ; l’enregistrement de ce qu’on vient d’entendre ressort, mais au même moment, le violoniste trace une deuxième voix, retour au box, les deux voix émergent à leur tour – une troisième s’y greffe, et ainsi de suite. L’effet : une hallucinante profondeur du propos, s’intensifiant d’instant en instant, comme si un trou noir absorbait le son en le happant, mais aussi en le concentrant à l’extrême. On plane. Ou presque. Car c’est une pièce qui, comme les trois autres, aurait eu besoin à des moments d’une direction globale externe, plus ferme que ce qu’est capable de produire le soliste quand il doit se projeter en dehors du tutti, et faire abstraction de ce dernier dans une certaine mesure, pour devenir une figure de premier plan.