La marée humaine en bas des escaliers, à 19 h 55, soulève des interrogations de toutes parts : pourquoi la salle de l’Auditorium n’est-elle pas encore accessible ? Du jamais vu ! Le public ayant fini par trouver ses places, les choses se corsent. Une voix informe d’un « problème technique important, de la résolution duquel nous vous tiendrons au courant. » Un attentat, quand même pas ? Des trombones coincés dans le train depuis Paris ? Un violoniste atteint d’un problème médical ? Visiblement, l’origine du souci n’est toutefois pas le maestro, qui, une fois n’est pas coutume, est le premier à paraître sur le devant de la scène, accompagné seulement d’un violoncelliste appelé à s’improviser traducteur. Le coupable, nous l’apprenons : un système d’alarme sophistiqué, sorte de métronome à la petite pulsation bien audible dans la salle qui, s’il était enlevé sauvagement par des non-experts, déclencherait des furies bien plus stridentes. Aussi minime qu’il soit, le petit toc ne se laisse évidemment pas concilier avec les deux symphonies programmées de Tchaïkovski, « sinon, on va vous jouer tous les mouvements dans ce tempo », taquine Leonard Slatkin. Suit donc, en attendant la résolution en en silence parfait, une introduction à l’écriture symphonique de Tchaïkovski par le maestro himself, un petit bonus inattendu qui permet d’apprécier à sa juste valeur le programme de la soirée – les deuxième et cinquième symphonies – et l’intention qui se fait jour dans la programmation de la totalité des symphonies du grand Russe : les trois premières, trop rarement données (la Troisième de ce samedi connaîtra même sa première lyonnaise, qui l’eût cru ?) sont pour chacune assortie avec un représentant de la série IV, V, VI.
« Petite-Russienne », la Symphonie n° 2, en ut mineur (op. 17) déclare son âme éminemment folklorique grâce au chant mélancolique de l’Ukraine profonde que le cor a capella pose dans l’espace comme un chant de cygne. Le basson, sur des pizzicati des cordes graves, le reprend à son tour, c’est d’une beauté triste et majestueuse. À ce début très narratif, très slave, suit un développement d’une écriture effectivement jeune (Slatkin avait prévenu), un peu scolaire – mais en ferait-on le reproche à un compositeur qui écrit la première symphonie de l’histoire de son pays, et dont la grandeur est déjà frappante, s’orientant aux œuvres de Mozart, Beethoven, Brahms et Mendelssohn, étudiés et analysés minutieusement ?