Il est des pièces que l’on ne se lasse pas d’entendre. Un violon sur le toit – ou Anatevka en version allemande – dans la mise en scène de Barrie Kosky en fait partie. Donnée pour la première fois à Berlin en 2017, la production avait été reprise avec grand succès à Strasbourg en décembre 2019. L’équipe du Komische Oper et Barrie Kosky, qui célèbre sa dixième et ultime saison à la tête de cette maison berlinoise, se font donc là un petit plaisir en reprogrammant pour cette fin d’année le chef-d’œuvre de Joseph Stein, Jerry Bock et Sheldon Harnick et l’une des comédies musicales les plus populaires de la seconde moitié du XXe siècle après West Side Story.
Le public berlinois est au rendez-vous. Une salle quasi-pleine attend avec impatience de se replonger dans l’univers de la Russie d’avant 1917, du shtetl (village juif) d’Anatevka et de la famille du laitier Tevye. On retrouve avec plaisir les décors épurés, un fond de scène représentant un paysage givré par le froid et une imposante porte à double battant. Le calme avant la tempête. On entend les musiciens arriver dans la fosse, la clarinette pousse une première clameur avant même que le premier hautbois ne donne le la, comme pour montrer que, ce soir, c’est elle qui mène la danse.
La mise en scène bien huilée n’a pas pris une ride. Dans le shtetl d’Anatevka pensé par Barrie Kosky, le violoniste sur le toit est un jeune adolescent en sneakers et sweatshirt à capuche vert déboulant sur la scène en trottinette, un casque vissé sur les oreilles. Détonnant sur le monochrome du fond de scène, l’enfant fait le lien entre le public et les habitants du village. Laissant de côté casque et trottinette, il ouvre les portes au centre de la scène et laisse entrevoir une grande penderie où il trouvera son fameux violon. Les premières notes du thème emplissent le théâtre… la soirée peut commencer.
« Tradition ! » Alors que le premier tableau prend forme et que tous les habitants du village sortent les uns après les autres de la penderie, le laitier Tevye explique le titre de l’œuvre. Chaque juif est un peu comme un violoniste sur le toit, cherchant à jouer un air virtuose tout en trouvant son équilibre entre le monde dans lequel il vit et les traditions héritées par sa religion. Dans la fosse, les percussions et les cuivres s’en donnent à cœur joie ; sur scène, les chœurs envahissent l’espace et donnent de la voix aux villageois d’Anatevka et à leurs chères traditions. Côté public, on apprécie le confort du Komische Oper qui va jusqu’à offrir à chaque spectateur la possibilité d’avoir des sous-titres personnels dans la langue de son choix grâce à un petit écran installé sur le dossier des sièges du rang précédent.