La Scala Paris a donné pour la seconde fois son festival Aux Armes, Contemporains ! En tout, quatre concerts sur deux jours, dont sept créations mondiales pour quarante-et-un musiciens tous spécialisés dans le registre contemporain : de quoi ravir les amateurs du genre, et proposer un palette diverse à des auditeurs plus étrangers à ce registre.
Pour le troisième concert de la saison, la soirée s'ouvre sur une présentation de Rodolphe Bruneau-Boulmier, le conseiller musical de la salle. En effet, le public est accompagné tout au long du concert, les introductions étant parfois faites par les musiciens, parfois par les compositeurs eux-mêmes. La démarche est appréciable et ne casse pas le rythme mais favorise une convivialité et une pédagogie certaine, dans l'effort de rendre l'évènement le plus accessible possible.
C'est le Quatuor Aeolina qui nous fait la joie de commencer, par Crossroad de Martin Matalon et Où Danse le Vent de Jean-Pierre Drouet. Sous le ciel étoilé qu'est la salle bleutée de La Scala, aux multiples appliques discrètes au plafond, ces quatre accordéonistes impressionnent par beaucoup d'aspects. De par leur maîtrise certaine d'abord : ils naviguent sur leurs instruments avec finesse et intelligence. Puis, malgré les différences d'âge et la récente formation de l'ensemble, ils unissent leurs sons avec sensibilité et justesse. Chacun hisse les autres vers le haut, révélant au passage de jeunes talents épatants.
L'accordéon est souvent boudé des créateurs, Matalon et Drouet le disent : au premier abord, aucun des deux n'aimait cet instrument ! Mais leurs pièces ont été créées pour ces musiciens et pensées pour démontrer les avantages d'une si grande tessiture et d'un timbre versatile. Elles permettent donc aux Aeolina un épanouissement dont ils font profiter leur public. Crossroad s'ouvre sur un début énergique, presque agressif, pour petit à petit s'envoler, utiliser le vibrato sur de fragiles aigus et disparaître avec grâce vers le ciel. Où Danse le Vent est d'abord plus axé sur la danse que sur ces inspirations célestes, mêlant avec humour les notes et les coups de pieds rythmés des musiciens sur le sol. Plus tard, sous leurs mélodies, ils chantent discrètement, harmonisent, rejoignant le thème de la soirée dans cette sensation d'abandon onirique.
Claire-Marie Le Guay enchaîne avec deux œuvres pour piano seul, Tsukihime de Fabien Waksman et l'Étude impressionniste n° 3, Hommage à Henri Dutilleux de Thierry Escaich. Si le sens mélodique de l'interprète porte les pièces avec élégance, l'écriture musicale est moins riche que celle des précédents ouvrages de la soirée, notamment dans Tsukihime, avec des batteries et harmonies quelque peu répétitives. Cependant, cette esthétique plus sobre fonctionne avec l'ambiance de ce programme : Tsukihime raconte l'histoire d'une princesse de la lune et Escaich porte le drapeau de Dutilleux, lui qui aimait tant les étoiles avec son Quatuor à cordes « Ainsi la nuit ».