L’intégrale des œuvres de musique de chambre de Johannes Brahms en 8 concerts regroupés sur 4 jours : voici le pari aussi fou que génial qui s'est tenu à Paris du 8 au 11 juin. Plus de 25 chefs-d’œuvres interprétés par 13 musiciens de tout premier ordre, à l’initiative de La Belle Saison qui œuvre pour la musique de chambre dans tout l’hexagone. C’est ici le Théâtre des Bouffes du Nord qui sera le théâtre de cette gageure, de cet inédit marathon.
De la sonate en duo au sextuor en passant par les trios, les quatuors ou quintettes, la musique de chambre de Brahms est d’une richesse infinie. Par ses qualités d’équilibre, de forme, par son potentiel expressif et son inventivité, par son niveau d’achèvement, ce corpus constitue un sommet du genre et mérite à coup sûr l’honneur d’une telle célébration. Le premier concert de cette série n’est pas en reste : le Sextuor à cordes n°2, op.36, le Trio pour clarinette, violoncelle et piano, op.114, pour finir avec le délicieux Quintette pour piano et cordes, op.34.
Le Théâtre des Bouffes du Nord : avec ses longs murs rouge sang décrépis, son charme archaïque et vétuste et toute sa charge dramatique en suspension dans l’air, on y sent le souffle d’un sanctuaire antique pétrifié dans le temps. Les archets affutés, les poignets échauffés, les musiciens sont sur les starting-blocks pour le départ de ce périple en terres brahmsiennes avec le Sextuor à cordes n°2 sous les violons de Pierre Fouchenneret et Shuichi Okada, les altos de Lise Berthaud et Adrien Boisseau et les violoncelles de François Salque et Yan Levionnois. Dès l’Allegro initial, on remarque une belle attention accordée à l’articulation dialectique et à l’équilibre du son, une écoute attentive et éclairée de la part de chaque musicien. Le violon de Pierre Fouchenneret a le sens de la responsabilité du geste qui structure le phrasé d’un jeu précis et intense, plein de verve. Les climats sont pleinement vécus, sans aménités, sans affects superfétatoires ni pesanteur excessive. François Salque distille au violoncelle une sonorité virile mais sensible tandis que son camarade Yan Levionnois sait donner une noble profondeur qui n’alourdit jamais le propos. Saluons la somptueuse couleur des pizzicati des altos dans le Scherzo, pizzicati qui vont et viennent d’un instrument à l’autre selon une fluidité déconcertante. S’il y a quelques accros, quelques cordes qui grincent, ils se font vite oublier face à cette vie, à cette vivacité.