Pour débuter cette soirée dédiée à la passion amoureuse, l’Orchestre National de Lyon dirigé par la cheffe américaine Karina Canellakis interprète un puissant monument musical, en hommage à l’irrésistible désir des amants : le « Prélude et Liebestod » (littéralement « mort d’amour ») extrait de l'opéra Tristan et Isolde de Richard Wagner. Par ses grands gestes, droits et directifs, Karina Canellakis crée un son d’orchestre très propre, aux attaques particulièrement soignées. Le discours musical paraît alors contraire au lyrisme romantique que l’on pourrait attendre, avec même des couleurs assez froides dans le prélude. Toutefois, le début du « Liebestod » revêt une très belle dynamique piano. Ce léger contraste met superbement en valeur le si beau thème de ce finale, si sacré et tout aussi tragique. Chaque partie intéressante ressort grâce à une méticuleuse attention des équilibres.
La grande scène de l’Auditorium accueille ensuite en soliste Frank Peter Zimmermann pour le Concerto pour violon en mi mineur de Felix Mendelssohn Bartholdy, indéniablement molto appassionato comme l’indique l’intitulé du premier mouvement. Pourtant, sous les doigts du violoniste allemand, le premier mouvement sonne plus fier que passionné, avec un certain panache. Connaissant la partition par cœur, il est entièrement libre de ses mouvements, n’hésitant pas à occuper l’espace et à se tourner légèrement vers les instrumentistes pour échanger avec eux ses propositions musicales et éventuellement les leurs. Quant à Karina Canellakis, elle décroche peu son regard du soliste pour l’accompagner avec la plus grande méticulosité possible. Grâce à cela, Zimmermann est libre de montrer qu’il joue avec âme, désintéressé de toute démonstration purement technique. Néanmoins il ne se montre pas avare de propositions de couleurs et d’engagement dans sa virtuose cadence, sans jamais perdre en présence, malgré un vibrato un rien trop serré à quelques endroits. Le deuxième mouvement « Andante » permet d’apprécier la belle conduite de ses phrasés, sans qu’il ne réussisse toutefois à transporter véritablement son auditoire. Le concerto se termine avec le brillant « Allegro molto vivace », si fougueux que les vents semblent quelquefois peiner à suivre le soliste. Fort salué par le public, Zimmermann le remercie par un bis plus calme : le troisième mouvement « Melodia » de la Sonate pour violon seul de Béla Bartók. Son lyrisme mélancolique est parfaitement transmis par le timbre cristallin de l’instrument.