« À travers le personnage de la Folie, le librettiste avait voulu peindre non pas le dérangement du cerveau, mais l’excès des passions, le caprice, la folie courante ». Cette phrase, extraite du programme de salle, présente l’ambition d’Antoine Houdar de La Motte, librettiste ayant collaboré avec André Cardinal Destouches, pour la création de cette comédie ballet : Le Carnaval et la Folie. Présenter l’excès des passions, le caprice, la folie courante… Nous les cherchons encore.
C’est à l’ensemble baroque Les Ombres, en résidence à l’Opéra National de Montpellier, qu’a été confiée la tâche de monter cette comédie ballet créée à Fontainebleau en 1701. L’intrigue est plaisante et simple : le jeune Carnaval est amoureux de la Folie qui n’est pas femme à se laisser apprivoiser aussi facilement. Carnaval sera donc confronté aux caprices et excès de sa prétendante avant que Venus descendue des cieux ne vienne bénir l’hymen des deux jeunes gens.
Que penser de ce spectacle ? Nous en attendions beaucoup plus à vrai dire. Et la déception à la vue du résultat est grande.
Première déconvenue, ce n’est pas la partition originale qui est ici représentée mais des extraits qui réduisent l’effectif des protagonistes uniquement à la Folie et à Carnaval. Exit donc Vénus, Momus, Neptune, Jupiter et les autres. Du fait de ces coupures, l’intrigue se trouve totalement déconstruite et les enchaînements, les liens entre les situations apparaissent brutaux voire complexes à suivre. Le spectateur est amené à imaginer ce qui a bien pu se passer entre deux airs ou danses. La mission est facile lorsque la partition est connue. Plus difficile en revanche est la tâche lorsque l’œuvre est si peu jouée.
Côté mise en scène, nous ne nous attendions pas à une grande production avec décors et costumes mais encore moins à une version de concert. C’est donc avec le très désagréable sentiment d’avoir été trompés sur la marchandise que nous avons pris place dans la salle. Le livret initial prévoyait une « comédie ballet ». Le programme de la saison annonçait un « opéra de poche », le programme de salle se contente lui d’un « dialogue amoureux en un acte ». Le spectateur doit donc faire avec et se contenter d’un spectacle injustement tronqué en plus d'une version de concert surprise pour seulement deux chanteurs solistes et un ensemble baroque.
Saluons, tout de même, la belle interprétation de l’ensemble baroque Les Ombres. Les musiciens sont attentifs aux chanteurs et très à l’écoute entre les différents pupitres. Mention spéciale pour le pupitre de flûtes traversières qui charme les oreilles. Les danses sont dynamiques, les tempi très justes. On aurait peut-être aimé plus d’engagement dans la proposition musicale. Moins de sagesse et de sobriété.