De sacrées histoires, ces Histoires sacrées de Judith, Madeleine et Cécile que l’Ensemble Correspondances de Sébastien Daucé fait entendre et voir dans le beau programme produit par le Théâtre de Caen et l’abbaye de Royaumont ! La Chapelle de la Trinité à Lyon s’est transfigurée en paysage de Terre Sainte sous une douce lumière, qui irrigue de la coupole baroque au décor minimaliste de la scène. Une soirée aboutie grâce à la jeunesse dynamique de la distribution, dont la qualité paraît bâtir une chapelle toute vocale sur de solides piliers, des instrumentistes exquis tout à leur écoute et une direction aussi sensible que juste : du son avant toute chose, sublimée par une ornementation visuelle, où les tableaux vivants se font et se défont au gré de la théâtralité musicale.
O sacramentum pietatis : le prélude aux Histoires sacrées vit de la présence de Lucile Richardot en soliste bas-dessus, comprenez « contralto », en langue baroque, dont le troublant organe androgyne, riche en harmoniques et versatile en ornements, peut vous faire croire à un castrat qu’on aurait mis en jupon. La courte pièce nous introduit dans les sonorités sacrées de Charpentier, mais aussi dans le paysage minimal de Terre Sainte, un rocher surmonté d’un olivier, comme dans le principe des tableaux vivants en constante inconstance (par là, une parfaite image du baroque), succession enchanteresse.
L’histoire de Judith (Judith sive Bethulia liberata), cette veuve exemplaire qui dit d’abord ses quatre vérités au souverain Ozias avant de trouver l’art et la manière de couper la tête de l’Assyrien Holopherne sans le moindre état d’âme, est l’une des plus spectaculaires et sanglantes de l’Ancien Testament. Elle fait de la protagoniste l’une des héroïnes du peuple d’Israël, et Caroline Weynants possède tous les dons vocaux et dramatiques pour crédibiliser le rôle qu’elle incarne : la fermeté belliqueuse, la combativité épique, la profonde piété (un délice, le « Domine Deus »), la séduction raffinée, qui s’expriment au moyen d’une grâce vocale capable de figurer la féminité la plus cajoleuse, accompagnée par la basse continue berçante, comme l’acuité d’une lame d’acier. J’ai tout de même failli avoir pitié du sinistre Holopherne, sa victime : non pour l’abjection de son caractère, auquel fait croire le jeu efficace de Renaud Brès, gestuellement et vocalement, mais pour le baryton, pardon, la basse-taille de ce dernier, vivante, naturelle, forte.