C’est à un programme éclectique que nous conviait le pianiste et chef d’orchestre allemand Christian Zacharias, élève de Vlado Perlemuter et lauréat du Concours de Genève en 1969 et Van Cliburn en 1973.
Vouté sur son piano, le pianiste offre dès les premières mesures un délice de toucher, offrant un piano suave et ductile. Ses sonates de Scarlatti seront ciselées, les trilles légers et effleurés, jamais agressifs et toujours dans le flux, les notes perlées à souhait, les contre-chants remarquablement soulignés sans emphase : un délice de musicalité et d’équilibre.
Ravel se fit plus ondin encore, dans une ambiance nocturne se mêlant aux ors du Victoria Hall avec bonheur : le chatoiement des harmonies raveliennes ajustées par un legato splendide, l’œuvre se déploya dans un scintillement d’eau apaisant.
Les œuvres interprétées du prêtre espagnol Antonio Soler donnèrent à entendre des miniatures très ibériques dans l’âme, dont la sonate n°88 en ré bémol, plus impérieuse, fut restituée avec talent par le pianiste : un bonheur d’espagnolade.
En deuxième partie, le romantique Chopin aurait dû imposer plus de profondeur et de lyrisme, et c’est peut-être là qu’on regretta un manque d’âpreté et d’urgence. Toujours le même toucher, la même facilité technique, qui fit des miracles dans Scarlatti, mais on ne sentira pas chez l’interprète ce goût de l’organique, d’un son qui viendrait des tripes… Le tout est restitué un peu raide et les qualités chez Scarlatti devinrent des défauts chez le polonais : Chopin n’est un compositeur de salon que dans l’imagination de certains… Ainsi le Scherzo n°1 en si mineur sonnera creux et peu ressenti et ce n’est qu'avec la conclusion de la pièce que nous percevrons plus de véhémence de la part du pianiste, pour notre plus grand bonheur.