S’il reste encore des esprits chagrins qui pensent que Francis Poulenc est un compositeur plaisant mais mineur, on leur conseillera vivement de se précipiter à La Monnaie pour cette remarquable production des Dialogues des Carmélites. Car cet opéra, porté par la qualité de la pièce de Bernanos dont Poulenc s’empara comme livret, pose une question essentielle qui est de tous les temps, et certainement du nôtre : Comment vivre avec la peur ? Et la plus grande de toutes: la peur de la mort ? Comment la surmonte-t-on, comme sauront le faire –sans angélisme béat, craintives mais dignes, soutenues par leur foi et soudées par leur solidarité – les religieuses condamnées à mort par la furie révolutionnaire ?
La mise en scène d’Olivier Py – parfaitement lisible, sobre et forte – excelle à mettre en évidence et transmettre au spectateur ce sentiment de peur, diffuse d’abord, évidente ensuite, mais transfigurée par l’acceptation du martyre. Ce ne sont pas des saintes coupées du monde qui vont avec une dignité déchirante vers leur fin qu’il nous montre, mais des femmes de chair et de sang, capables de sentiments et de révolte.
Le décor (signé de Pierre-André Weitz) est sombre et sévère, situant principalement l’action dans un Carmel dénudé, aux murs bruts de décoffrage, mais qui – devenu prison – s’ouvrira magiquement sur une nuit étoilée (superbes éclairages de Bertrand Killy) au moment où les Carmélites entament le Salve Regina avant de monter à l’échafaud. Et on retiendra d’autres magnifiques moments comme cette extraordinaire scène de l’agonie de la Prieure à la fin du premier acte où l’excellente mezzo Sophie Pondjiclis se trouve dans un lit vertical adossé au décor, ce qui donne au spectateur l’impression de la voir d’en haut, alors que, les bras en croix, elle adoptée une pose christique prémonitoire. Ou encore à l’Acte III, quand les sœurs – ayant fait vœu de martyre – se réunissent pour un dernier repas qui a bien sûr tout d’une dernière cène.