Dans le cadre de la série TranscenDanses, la soirée « Dialogues II » réunissait la semaine dernière sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées cinq duos de chorégraphes vivants aux esthétiques variées. Entre l’ouverture et la clôture signées Mats Ek, figure éminente du XXe siècle, les styles contrastés de Samantha Lynch, Akram Khan et surtout Sharon Eyal ont offert un contrepoint rafraîchissant en plongeant en quelques secondes le public au cœur d’univers insolites.
Malgré une durée totale légèrement frustrante (une petite heure incluant précipités et applaudissements), le panorama proposé est intelligemment construit et ose confronter des inspirations aux antipodes. Le duo extrait de A Sort of… de Mats Ek constitue une entrée en matière idéale. À mi-chemin entre symboles et narration, romantisme et malice, ce pas de deux interprété par Clotilde Tran et Johnny McMillan du Staatsballett Berlin sur une musique de Henryk Górecki invite à plonger dans une rencontre amoureuse pleine de tendresse, de doutes et de réconciliations. L’authenticité brute avec laquelle le couple incarne les affects de la chorégraphie à la fois dans leurs corps et leurs expressions amplifie l’intensité des mouvements pourtant simples qui s’enchaînent avec une fluidité confondante, selon la rhétorique propre à Mats Ek, reconnaissable entre toutes.
C’est un objet ô combien familier qui devient le centre de l’attention ensuite dans Couch : un canapé, comme le titre l'indique. Dans cette pièce de Samantha Lynch, le couple que forment Anaïs Touret et Douwe Dekkers du Ballet national de l’Opéra de Norvège gravite au son de L'Arlésienne de Bizet autour d’un meuble encombrant mais finalement propice à l’inventivité. Fortement humoristique, le ballet joue sur les variations rythmiques de la partition culte pour enjoindre aux corps de libérer – à l’aide des configurations rendues possibles par le canapé ! – des émotions de natures différentes, passant de l’attirance à la dispute, du regret à la complicité. Un moment sympathique sans grande profondeur pour autant (défaut sans nul doute imputable au format).
Avec Akram Khan et Mud of Sorrow, place au calme. Portés par la douceur d’une chanson folklorique corse, deux êtres (Aishwarya Raut et Claudio Cangialosi) se retrouvent dans une ambiance quasi méditative, unissant sans complexe leurs membres dans le clair-obscur qui règne au plateau. Si la relation charnelle est bel et bien suggérée, de manière délicatement implicite, la beauté de la scène réside précisément dans la poésie qui émane de l’union des corps, visibles presque exclusivement à travers les mouvements en miroir de leurs bras, principe racine d’une harmonie rare et infiniment apaisante.