Ensemble unique dans le paysage classique, Les Dissonances, collectif à géométrie variable composé de musiciens d’horizons variés, solistes, chambristes, jeunes talents, et fédérés autour de David Grimal, se distingue depuis maintenant plus de dix ans par son absence de chef et son élan commun, et son exigence rare va de pair avec une grande liberté et une grande autonomie dans la démarche et le choix des œuvres. Loin d’être une amputation à l’orchestre symphonique, l’absence de chef s’inscrit dans cette démarche d’autonomie visant à responsabiliser les musiciens en leur donnant la parole pour bâtir de concert une interprétation fondée sur le partage et la convergence des idées, à l’opposé du rôle d’exécutant de la vision, parfois totalitaire, d’un chef. Démarche chambriste donc, mais qui s’attaque au grand répertoire, avec ce soir la 7ème Symphonie de Bruckner, précédée du Concerto pour violon de Schumann, et David Grimal en soliste.
Œuvre peu connue restée pendant plus de 80 ans sous le tapis en raison de l’interdiction de publication ratifiée par le grand violoniste Joseph Joachim, pour qui elle était écrite, le concerto de Schumann, s’il n’a pas l’éclat et la verve de celui de Brahms, n’en est pas moins riche d’une palette expressive d’une grande intensité poétique. David Grimal a un son rond, enveloppé, économe en vibrato, qui se coule avec intelligence dans une musique pudique aux dehors jamais ostentatoires, et qui, quand elle se veut massive et imposante, couve toujours une grande douceur, et y retourne bien vite. Les thèmes sont simples et directs, et l’orchestre, soudé par une écoute mutuelle remarquable, en les énonçant clairement les charge d’une évidence, en même temps que d’une émotion qui donne tout son sens aux nombreuses répétitions, sans les rendre redondantes. Dans le deuxième mouvement, l’orchestre se fait discret pour laisser se développer une grande phrase sans fin du violon, pleine d’un lyrisme tendre semblant en apesanteur sous l’archet de David Grimal, phrase qui débouche sur la polonaise sautillante du troisième mouvement, à la simplicité presque déconcertante, sans aucun artifice.