Quoi de plus festif que de débuter un concert avec l’Ouverture du Benvenuto Cellini de Berlioz ? Splendeur des cuivres de l’Orchestre de la Suisse Romande, suavité des cordes sans oublier les très belles interventions d’un hautbois solo sonore, mais néanmoins sensible. Brillance de l’écriture berliozienne, enivrante de somptuosité et d’un romantisme révolutionnaire typique ! On aura pu regretter les quelques verdeurs des timbales dans le final alors que jusque-là, tout se passait de manière équilibrée. Il est vrai que ce final est quelque peu extérieur… Louis de Funès aurait été ravi.
« The Infant and His Peculiar Menagerie », symphonie n°3 pour violon, chœur, solistes et orchestre de Lera Auerbach, s’ouvre sur le violon éthéré de Vadim Gluzman, pour s’épanouir sur un plateau de voix mixtes dont s’élèvent des voix solistes issues du chœur, ainsi qu’un tissu orchestral ample. Cette commande conjointe de l’Orchestre Philarmonique de Bergen, des Proms de la BBC et de l’Orchestre de la Suisse Romande a été créée à Bergen en avril 2016 sous la même direction et par le même violoniste. Ici règnent en maîtres l’humour et la dérision, dans une ambiance de transe hallucinée et de sorcellerie que ne renieraient pas B. Britten ou plus près de nous un Tim Burton et ses noirceurs.
L’écriture, en blocs, est puissante, les interventions des choristes et solistes du Chœur de Chambre de la Haute Ecole de Musique de Genève est parfaite : tous ces jeunes grimés, travestis, prennent un plaisir évident à jouer cette foule bigarrée, les voix sont fraîches, pour certaines fort belles (un baryton-basse travesti en demoiselle notamment, aura charmé par une belle diction, mais surtout un sens du jeu tout à fait approprié), même si on relève un défaut global de prononciation qui reste globalement bien pâteuse. On sent que cela ricane mais on ne comprend pas un mot ! Peu importe, la scie musicale est savoureuse, les effets du violon de Vadim Gluzman infinis, les solistes, choristes et musiciens contribuent à faire de ce moment un plaisir musical total, même en version de concert, ne pouvant être que le résultat de l’énorme implication de tous.
On aura été emportés dans cette transe hallucinée qui nous mène droit à Broadway, entre onirisme et burlesque, avec ce perpetuum de violon tout au long de l’œuvre, tel un souffle qui s’étire en grandes lignes magistralement interprétées, le soliste se mêlant à la scie musicale pour se clore dans une sorte d’ultime imbrication érotique : sublime !