Il y a foule en ce mercredi soir au Théâtre des Champs-Élysées. Une salle comble qui reflète sans surprise la popularité de la pianiste Yuja Wang, si charismatique dans son statut d’égérie du piano moderne et icône d’une physicalité au piano tout autant que de la mode et des robes affriolantes. Qu’à cela ne tienne, ce concert est d’abord celui du City of Birmingham Symphony Orchestra sous la baguette de sa directrice musicale Mirga Gražinytė-Tyla. Encore peu connue en France, cette jeune Lituanienne de 32 ans nommée en 2016 à la direction du CBSO porte sur ses épaules la lourde responsabilité de cette phalange que des chefs aussi illustres que Simon Rattle ou Andris Nelsons ont métamorphosée, réussissant à la hisser parmi les grands orchestres européens. Retour sur ce concert-découverte d’une cheffe dans un programme autour de Ravel, Prokofiev et Brahms.
Dès les premières notes du Tombeau de Couperin de Ravel, se dégage de Gražinytė-Tyla une qualité que tout ce concert corroborera, qualité essentielle, si ce n’est la plus importante pour un chef : la capacité à modeler le son de l’orchestre, à le sculpter exactement selon ses intentions musicales dans le plus fin détail, selon les moindres inflexions. Gražinytė-Tyla démontre tout au long de l’œuvre de Ravel un sens remarquable de la conduite des phrases. Les tempos tout aussi rapides qu’inflexibles participent au sentiment de danse des trois héritages des suites baroques que sont la « Forlane », le « Menuet » et le « Rigaudon ». Une phraséologie preste et sans lourdeur, à l’image des pas des danseurs, mais également une conduite cohérente et large : la cheffe porte son regard loin, au-delà des horizons de chaque phrase. La direction de Gražinytė-Tyla est profondément sincère, d’une sincérité au service de la transparence. Une direction sans fard, qui laisse parler le texte de la partition sans autre entremise psychologique, qui se veut humble et qui y excelle. La réalisation instrumentale est d’une précision et d’une qualité exemplaires : les pupitres des bois ainsi que des cordes nous offrent de magnifiques couleurs dans la « Forlane », les violons savent nous envoûter dans le « Menuet » par leurs voiles nimbés de mystère et leurs irisations nacrées.