Dans la blancheur de l’abbaye seino-marine, des sons cristallins de soprano s’envolent vers les hautes arcatures, propulsés par un chœur et un ensemble orchestral dirigés en finesse et élan par Léo Warynski, même si quelques éléments structurants apportent de petites ombres à la franche luminosité de ce concert.
Tripartite, le programme « Haendel le Latin » s’ouvre sur le Laudate pueri Dominum, par lequel Maïlys de Villoutreys s’impose d’office comme l’étoile brillante de la soirée. Ses vocalises (Händel n’en était décidément pas avare dans cette phase italienne de sa production) sont celles d’un petit colibri qui voltige en battant de ses ailes en toute légèreté. La prédilection pour le baroque est toute naturelle : le soprano a d’éblouissantes facilités techniques, des aigus aisés et une approche du son baroque très juste ; le début du psaume 112 dévoile aussi un moelleux dans le médium-grave assez exceptionnel : quelle succulente homogénéité de tessiture !
La place centrale du dispositif est changée dans le Concerto pour orgue et orchestre n° 3 op. 4 en sol mineur médian : elle revient ici, à côté de l’ensemble Hémiolia, à l’excellent Denis Comtet, qui n’a pas moins de talent en soliste qu’en accompagnateur. Le positif d’orgue s’égaye de la vélocité des lignes dessinées par Haendel et fait apparaître l’intelligence de conception de ce programme, où les différentes pièces dialoguent véritablement. La particulière complicité et confiance réciproque entre l’organiste et le chef sera assurément l’une des clés de réussite de ce concert, comme le montre son morceau de résistance.
Quant aux Métaboles, le Dixit Dominus (HWV 232) leur offre un espace d’épanouissement que le Laudate Pueri Dominum avait seulement esquissé. L’ensemble de jeunes professionnels fondé en 2010 par Léo Warynski se montre extrêmement réactif, solide dans sa qualité et sa disponibilité. Pour ce programme, l’effectif est réduit à seize chanteurs ; y est intégrée la soliste de la soirée, qui enchante encore avec ses triolets perlés dans le « Tecum in principium ». En revanche, là où Haendel en perd un peu son latin, c’est dans la question de l’équilibre des pupitres. Montrant une prédilection pour les voix de haute-contre en alto, Léo Warynski fait un choix historiciste aux dépens du son global. En effet, le pupitre d’alto est bien trop effacé, l’effort de le chercher (ce qu’on fait, car les voix n’en sont pas moins belles) devient fastidieux, et les fugues du Dixit se ressentent malheureusement de cette vacuité. Globalement, ce sont les voix extrêmes qui dominent, surtout l’épatant pupitre de soprano, contre lequel les élégantes basses ont encore la puissance de s’affirmer, un peu moins déjà, les ténors, eux aussi pas toujours suffisamment dégagés par la direction. Les alti, les soli le montrent aussi, ont globalement une légèreté qui profite davantage aux aigus qu’aux graves : la jeune haute-contre qui assure le « Virgam virtutis tuae » possède justement une très belle couleur dans son registre de tête. Parmi les solistes, issus du chœur, il faut mentionner aussi une basse très équilibrée et un ténor à la voix radieuse.