Hypnotisante soirée. De Ives à Mills, il n'y a qu'un système solaire et des interrogations métaphysiques. Ces ambiances sonores tranchées illustrent parfaitement le voyage d'une planète à l'autre. Les Planètes de Mills emporteront un auditoire acquis à sa cause et fin connaisseur des œuvres techno du compositeur et DJ qu'on ne croise que trop peu souvent en France. Musicien et passionné d'astronomie, il se donne pour mission d’utiliser au maximum les nouvelles connaissances scientifiques pour créer un langage musical spécifique rendant compte de la diversité du système solaire.
Plongée dans le noir, la salle comble de l'Auditorium de Lyon venue applaudir Mills retient son souffle. La soirée commence avec l'immense The Unanswered Question de Charles Ives. Bercé par les nappes de cordes, hors scène comme le voulait le compositeur, l'auditeur décolle et entame son voyage spatial porté par ce premier accord de sol majeur très ouvert et lumineux. La trompette pose sa première question depuis le balcon côté cour. Cette interrogation sera répétée, inlassable, sept fois. Le quatuor à vents tente de lui répondre. Les tonalités diamétralement opposées s'entrechoquent et les tempos éclatent. La communication semble rompue. Sous couvert de poser la question de l'existence, ce sont la tonalité et ses implications qui sont interrogées par la trompette victorieuse. Les vents ne parviennent à lui donner de réponse claire et entonnent de furieuses mélodies moqueuses. Les cordes, acceptant la question sans réponse, concluent cet échange vindicatif en déroulant toujours tendrement leur tapis de notes.
Retour à la pleine lumière. Le chef Christophe Mangou fait son entrée sur le plateau suivi de Jeff Mills longuement ovationné. Les Planètes de Mills, réécriture augmentée des Planètes de Holst est un véritable ovni musical. Il n'y a plus six planètes mais bien neuf et chacune d'elle a une identité sonore qui lui est propre. Les tempi sont associés à la vitesse de rotation des planètes, les textures sonores à leur densité, etc. Mangou – qui a déjà travaillé avec Mills et déjà dirigé cette œuvre – maîtrise sa partition de bout en bout. Véritable métronome, sa battue est précise et ses indications claires. Cette direction millimétrée et parfaitement calibrée est une nécessité tant l'association des sons électroniques et du symphonique semble parfois risquée, les deux semblant comme danser au bord d'un gouffre où il serait aisé de sombrer.