Directrice de la danse de l’Opéra de Paris pendant près de vingt années, Brigitte Lefèvre fait ce mois-ci ses adieux à la compagnie. Elle présente, avec Lander / Forsythe un programme rendant hommage à la technique de la danse classique et contemporaine. Au travers d’œuvres qui illustrent l’évolution de cet art depuis son apprentissage jusqu’à la recherche de ses limites, le Ballet de l’Opéra nous invite à porter un regard contemplatif sur l’empreinte du travail sur le corps, l'esthétique classique et la rupture du mouvement contemporain.
Le rideau s’ouvre sur une mise en scène théâtralisée d’une leçon de danse, où le corps classique magnifié s’éveille et fait ses gammes. Le rituel de la barre classique s’enchaîne par les exercices du milieu et de courtes séries de variations. Initialement créé en 1948 sur une musique de Carl Czerny, Etudes d’Harald Lander – ancien maître de ballet de l’Opéra de Paris et ex-directeur de l'École de Danse – apporte néanmoins une note joyeuse au tableau rigoureux de l’éducation classique et du corps en effort. Etudes n’en est pas moins un véritable tour de force pour les solistes et le corps de ballet, dont les différentes variations concentrent en peu de temps une palette très complète d’embûches techniques. On est ainsi ravis de retrouver Dorothée Gilbert et sa technique irréprochable pour relever le défi. Les équilibres sont tenus et les pirouettes réalisées avec audace, dans un ensemble enlevé et léger. Malgré sa technique assurée, la tension de la soliste et de son impétueux partenaire Josua Hoffalt filtre en scène, nous laissant présumer une osmose incertaine. Celui-ci perd d’ailleurs son calme lors d’une démonstration de tours et laisse percer son agacement. À leurs côtés, Karl Paquette, plus modeste, n’en transmet pas moins une généreuse énergie dans la droite lignée de ses excellentes performances de la saison dernière.
Du cours de danse d’Harald Lander, on passe aux travaux plus récents de William Forsythe, avec ses réflexions chorégraphiques sur les limites du corps et la perturbation de la forme classique. Dans deux œuvres complémentaires, Forsythe explore d’une part le mouvement de torsion et de délié (à travers Woundwork 1, créé pour le ballet de l’Opéra de Paris en 1999) et d’autre part l’idée de rupture et de déséquilibre (avec Pas./Parts, également créé pour la compagnie en 1999).