On aurait pu mieux attendre du public lyonnais, trop peu nombreux à s’intéresser à la belle soirée de musique de chambre automnale dans la Salle Rameau. Adrien La Marca a eu beau engranger prix sur prix dans sa carrière très jeune encore (le plus récemment, une Victoire de la Musique dans la catégorie « Révélation Soliste Instrumental »), son instrument demeure un objet trop souvent sous-estimé, sinon franchement boudé. La grande et fraîche salle lyonnaise, que la programmation des Grands Concerts a remplie à un tiers seulement, s’est pourtant réchauffée très rapidement aux sons des deux chambristes.
La Sonate pour alto et piano en ut mineur, œuvre de jeunesse de Felix Mendelssohn-Bartholdy composée en 1824, publiée en 1966 seulement et assez méconnue, s’ouvre sur un piano cristallin et de vibrantes tenues de l’alto. Sans être virtuose, l’œuvre très séduisante réclame une constante attention dans les arpèges du premier mouvement : peu d’enregistrements leur rendent grâce par une parfaite justesse. Le jeune prodigue, lui non plus, ne parvient pas à esquiver tout à fait cet écueil, mais son intelligence musicale perce aisément, surtout dans le Menuetto Allegro molto, puis dans l’Andante et ses huit variations attachantes du troisième mouvement.
« Tableaux d’une exposition » féériques et avant l’heure, les Märchenbilder pour alto et piano de Robert Schumann entraînent immédiatement l’auditeur dans les forêts et grottes de l’Allemagne romantique, grâce au son envoûtant des cordes et aux accents que leur confèrent de conserve les deux musiciens. L’on ne sait exactement quelles images de contes de fée ou de légendes anciennes Robert Schumann a ici dictées à l’alto, mais on se plaît à imaginer dans le véritable chant du premier mouvement, Nicht schnell (Pas vite), un lac sur lequel une barque s’éloigne lentement du rivage. C’est à cheval, sans aucun doute, que le soliste prend la poudre d’escampette dans le Lebhaft (Animé). Rasch (Rapide) – un troisième mouvement qui ne doit qu'un aspect de son caractère à son titre puisque les doubles triolets font certes danser l'archet, mais en alternance avec des phrases plus calmes. Serait-ce là les Heinzelmännchen, petits êtres industrieux et nocturnes, dont les habitants de Cologne constatent, émerveillés, les bienfaits au petit matin ? Un long et chaud câlin, voilà l’esprit du final Langsam, mit melancholischem Ausdruck (Lent, avec une expression mélancolique), apte à suggérer la tendresse de Schneeweißchen und Rosenrot (Blanche-Neige et Rose-Rouge) des frères Grimm.