En sortant de l’Opéra-Comique après la deuxième représentation de Macbeth Underworld de Pascal Dusapin, on se dit qu’un tel ouvrage, un tel spectacle, aurait toute sa place dans les grands théâtres du West End à Londres, surtout qu’il est donné en anglais ! Après tout, c’est bien le même Thomas Jolly dont la mise en scène de Starmania est bientôt redonnée à la Seine Musicale. Même si ce Macbeth revisité a été créé à La Monnaie à Bruxelles en 2019, même si Pascal Dusapin retrouve la salle Favart où fut créé en 2008 son premier opéra, cette formidable pièce de théâtre musical pourrait toucher de bien plus vastes publics que les habitués des scènes lyriques, on en est convaincu.
Parce que la première évidence de ce Macbeth Underworld, c’est la clarté, l’accessibilité d’un ouvrage qui n’a nul besoin d’être décrypté, analysé avant d’être vu. Les huit « chapitres » qui forment cet opéra joué sans discontinuité sont imaginés par le compositeur Pascal Dusapin et son librettiste Frédéric Boyer comme des réminiscences librement inspirées du Macbeth de Shakespeare. Ces « chapitres » sont autant de tableaux qui relèvent tour à tour du conte fantastique, du film d’horreur, du cauchemar éveillé.
Dans le fabuleux décor de château hanté et de forêt profonde de Bruno de Lavenère, le prologue s’ouvre par un puissant et magnifique bloc sonore, comme une signature de Pascal Dusapin – on y reviendra – et avec l’apparition d’Hécate, déesse de la nuit et de la mort, qui convoque les esprits de Macbeth et Lady Macbeth, les maudits, qui vont rejouer leur histoire sans fin comme des comédiens dans un dernier rôle. John Graham-Hall y est parfait, comme il le sera plus tard dans le rôle du Portier, gardien des Enfers.
Thomas Jolly et son complice aux lumières, Antoine Travert, signent eux aussi d’emblée un théâtre de légende avec des personnages qui surgissent d’immenses troncs d’arbres morts, dont les branches s’animent, s’incrustent dans l’action. Le premier tableau convoque sur la lande un homme en sang – le spectre de Banquo ? – et un enfant orphelin – le jeune fils de Lady Macduff ou, plus probablement, l’enfant que Lady Macbeth aurait arraché de son sein ? Ces deux personnages ravivent les obsessions de puissance et de gloire de Macbeth et sa femme, tandis que les Sœurs Bizarre – formidablement incarnées par Maria Carla Pino Cury, Mélanie Boisvert et Melissa Zgouridi – qu’on croirait échappées d’un tableau de Jérôme Bosch, invitent à « voyager rapide sur terre et sur mer », relayées par le chœur des femmes (merveilleux accentus).