L'annonce de très belles voix nous laissait présager le meilleur. Malheureusement les premiers rôles ne se sont pas pleinement épanouis.
Assister à un spectacle à deux vitesses qui, bien qu’il fourmille d’éléments positifs, nous laisse sur notre faim est une récurrence de nombre de productions lyriques.
La production de Manon présentée en ouverture de la nouvelle saison de l’Opéra de Marseille ne fait pas exception à la règle.
Côté surprises, l’exemplaire homogénéité des seconds rôles est à relever.
Citons pour commencer l’excellente prestation offerte par Christophe Gay incarnant un Monsieur de Brétigny de tout premier ordre. Il se distingue notamment au cours du deuxième acte en apportant toute son amplitude à un rôle souvent sacrifié. Il tente véritablement Manon, la séduit et incarne un certain vice qui s’accorde parfaitement avec le personnage. La voix est très saine, l’articulation limpide et le style séduisant. Un nom à suivre.
Citons également le magnifique Lescaut d’Étienne Dupuis qui a pour lui la fougue et le charisme. Les aigus sont ronds et justement placés. Puissant et viril il s’impose sans difficulté dans ce rôle. Il interprète ainsi sans demi-mesure le rôle du frère sans morale ni vergogne. En somme, un parfait alter ego de sa cousine.
Le Comte Des Grieux est aussi formidable sous les traits de Nicolas Cavallier. Le baryton-basse est cet après-midi magnifique d’autorité et de puissance. La tessiture du rôle est balayée dans son ensemble avec aisance et l’articulation irréprochable.
Le trio Poussette, Javotte et Rosette (respectivement Jennifer Michel, Antoinette Dennefeld et Jeanne-Marie Levy) est impeccable par sa cohérence scénique et son homogénéité vocale. Enfin, le Guillot de Morfontaine de Rodolphe Briand s’avère tout aussi crédible tant sur le plan vocal que scénique.
Et le couple vedette dans tout cela ? Passons sur le fait que les âges des interprètes ne concordent pas vraiment. Ce qui dérange davantage est que l’adéquation vocale entre les deux protagonistes n’est pas au rendez-vous. Toutes leurs scènes de duo (notamment Saint-Sulpice à l’acte trois et l’acte cinq) s’en trouvent fragilisées.
Patrizia Ciofi a pour elle une technique exemplaire qui lui permet de contrebalancer des aigus plus aussi limpides qu’auparavant. En très fine musicienne elle livre une interprétation convaincante à défaut d’être véritablement touchante. Les nuances sont maîtrisées et utilisées très finement. Son interprétation de l’air « Adieu notre petite table » toute en intériorité est exemplaire. Toute en simplicité, elle évite à juste titre de tomber dans le pathos et le larmoyant.