The High Road to Kilkenny, empruntée pour la Saint-Patrick 2015 à Lyon, se révèle un chemin direct vers un son vraiment irlandais. Par le passé, les Musiciens de Saint-Julien dirigés par François Lazarevitch ont eu beau être le porte-étendard d'une musique baroque allemande, écossaise ou française, le répertoire ancien de l’Irlande ne leur va pas moins parfaitement.
A cappella, un whistle inaugure de façon enchanteresse le voyage vers l’Île verte de ce mardi 17 mars 2015. Si on se laissait aller aux plus simplistes associations, on se croirait sur tel paquebot cinématographique… Mais ce serait commettre une pure injustice, eu égard à la qualité de ce prélude délicat. Les brumes lointaines de la côte se dissipent vite, et point de naufrage : les articulations de François Lazarevitch sont si originales, inspirées et bien articulées qu’il y a là une authenticité qui laisserait croire qu’il a couru enfant sur les douces collines de l’Eire.
Oro Mhor a Mhoirin – même si on n’avait pas les traductions anglaises des chants qui émaillent la soirée (seulement quelques résumés oraux en français), on comprend tout de même, grâce à la gaîté vocale de Robert Getchell, que le petit Paddy est un joli godelureau qui fait du charme aux villageoises sans pour autant honorer toutes ses promesses, en bon Don Juan de Limerick ou de Cork… La voix souple de ténor léger se prête excellemment à ce répertoire, plus populaire que son pain quotidien (fait plutôt de Bach, Mozart, Haydn, Lully ou du Lyonnais Lemaire). Mon seul vrai regret pour ce concert est que la langue gaélique l’oblige à rester très accroché à sa partition, alors qu’autour de lui, ça violone, ça siffle, ça pince les cordes, ça tape du pied et ça pulse à tout-va. Les instrumentistes sont en constante communication entre eux et avec le public, leurs corps swingant à souhait avec ces reels et ces marches qu’ils produisent.
Dans chacun des blocs de programme, les transitions entre les pièces exposent les soli des six instruments en alternance. Les Musiciens de Saint-Julien marchent souvent à deux. Au début, ce sont la délicieuse viole de gambe (Lucile Boulanger) et le théorbe sensible de Bruno Helstroffer qui vont main dans la main. Ce dernier a d’ailleurs pu laisser sa banquette en place depuis le dernier des Grands Concerts baroques lyonnais, il y a à peine dix jours, dans un superbe spectacle avec d’autres complices, entourant alors Rosemary Standley de ses arrangements subtils.