Créée à Turin en 1896, représentée à Buenos Aires, à Alexandrie ou encore à Los Angeles avant la première parisienne de 1898, La Bohème de Giacomo Puccini fait partie depuis longtemps des incontournables du répertoire. D’une jeunesse inaltérable, cet opéra l’est avant tout en raison de son sujet : le poète Rodolphe et la grisette Mimi tombent éperdument amoureux l’un de l’autre. Les amants vivent alors une brève idylle avant de se séparer. Finalement, Mimi, malade, revient mourir dans les bras de Rodolphe.
Nul besoin de transposer cette histoire à une époque ou dans un pays particulier pour qu’elle nous parle encore. Une mansarde, un café, un carrefour, ces quelques invariants de la ville moderne suffisent à matérialiser la succession des divers « tableaux » imaginés par le compositeur et ses librettistes. Rares sont d’ailleurs les metteurs en scène qui dérogent à cette tradition.
En ce mois de juillet, c’est la version de Jonathan Miller que l’Opéra de Paris remet à l’affiche. À cela, rien de bien exceptionnel : créée en 1995, permettant à Natalie Dessay d’endosser le rôle de Musette en 2009, cette mise en scène a atteint sa centième représentation à l’Opéra de Paris en avril dernier. Depuis, le chef d’orchestre Daniel Oren a passé le flambeau – ou plutôt, la baguette – à Stefano Ranzani qui dirigera l’œuvre jusqu’au 14 juillet prochain en compagnie d’une nouvelle distribution.
La mise en scène de Jonathan Miller se veut d’esthétique réaliste. Une gageure, quand on pense aux grandes dimensions de la salle de l’Opéra Bastille. Par exemple, aux premier et dernier tableaux, comment croire à l’idée d’une mansarde habitable et à taille humaine ? Auteur des décors, Dante Ferretti a su s’accommoder du cadre de scène trop grand en jouant sur les lignes horizontales qui amenuisent l’impression de hauteur. Il opte également pour un décor frontal – la devanture du Café Momus au deuxième tableau – qui retient les chanteurs sur l’avant-scène dans une plus grande proximité avec le public.
La scène est en outre habillée d’une abondance d’objets de la vie quotidienne. On y distingue certains accessoires indispensables à l’action, tel le bonnet que Rodolphe offre à Mimi comme preuve de son amour, telle la clé que les deux amants cherchent à tâtons jusqu’à ce que leurs mains se rencontrent, ou encore le manchon que Musette tend à Mimi mourante. Or, le bonnet, la clé, le manchon, tout cela est difficilement perceptible dans l’espace surchargé de cette mise en scène. Comment le spectateur peut-il saisir toute l’importance de ces menus objets qui concentrent le sens ? Afin d’animer la vaste scène de l’Opéra Bastille, Jonathan Miller a préféré s’attacher à la représentation de la multitude, multitude d’objets, de badauds, de marchands, d’enfants, d’ouvrières, de gendarmes et de bourgeois d’où émergent les principaux personnages, êtres non pas héroïques mais bel et bien ordinaires, avec une pointe de fantaisie.