Pour l’avant-dernier programme symphonique de sa saison, l’Orchestre de Pau Pays de Béarn se déplaçait non loin de sa base paloise pour investir la cité médiévale de Lescar et sa cathédrale romane de Notre-Dame-de-l’Assomption. Bâtie au XIIe siècle, celle-ci a fait l’objet de plusieurs restaurations de ses décors et sa charpente est toujours en cours de reprise. Une estrade, placée dans le transept en prolongement du chœur, accueille les musiciens. Le lieu est tout trouvé pour un programme « Trinité » tourné vers la musique sacrée. Si l’actualité de l’Église, avec l’élection de Léon XIV le jour même, vient rencontrer avec bonheur une telle proposition musicale, l’équilibre méditatif attendu pour un tel événement va cependant rester difficile à obtenir du fait de l’acoustique et de l’interprétation vocale.
À partir de deux extraits du Salve Regina de Haendel, Fayçal Karoui plonge l’assistance dans une contemplation facilitée par l’acoustique du lieu et sa résonance, avec toutefois beaucoup de contrôle. Cette prière à la Vierge trouve ici un lieu privilégié. Sous la direction du chef d'orchestre, cordes et orgue forment une belle symbiose de timbres et les basses sont très présentes, notamment sur le « Largo », comme pour marquer la solennité de la soirée. L’« Eia ergo » est, quant à lui, moins équilibré entre voix et ensemble, et les cadences de l’orchestre un peu trop précipitées pour permettre le maintien d’une atmosphère réflexive.
Le maestro fixera surtout la couleur dramatique avec le Stabat Mater de Pergolèse, cette fameuse cantate pour deux voix et petit orchestre écrite par le compositeur en 1736 à l’âge de 26 ans. Karoui s’emploie à étirer les chromatismes, les glissements harmoniques (« Fac ut portem Christi mortem ») et les points d’orgue (« Fac ut ardeat cor meum ») aux moments opportuns. Toutefois, l’orchestre reste en second plan face aux voix, placées au cœur du programme.
Dans l’œuvre de Pergolèse, une divergence assez claire va être audible entre les deux approches vocales. La soprano Armelle Khourdoïan opte en effet pour un positionnement très lyrique, proche de l’opéra du XIXe siècle avec force et vibrato, alors que la mezzo-soprano Floriane Hasler semble rechercher une subtilité de phrasé plus baroque – un des rares points communs entre les deux chanteuses étant le sacrifice de l’intelligibilité du latin face à la technique vocale. La plupart des duos s’équilibrent cependant magistralement en termes d’intensité (« Stabat mater dolorosa », « O quam tristis et afflicta »), mais les numéros solos consacrent définitivement ce contraste. Après avoir fait une entrée suave dans Haendel en début de soirée, Armelle Khourdoïan s’affirme davantage dans les forte dès le « Cujus animam gementem » et, à grand renfort de vibrato, conduit à quelques saturations. Ses attaques volontairement en-dessous ou au-dessus de la note viennent parfois percuter l’intonation de l’orchestre, notamment lorsque ce dernier est en colla parte (« Quis est homo qui non fleret », « Vidit Suum dulcem natum »).
De son côté, Floriane Hasler, après avoir proposé de belles tenues pures dans un Cum dederit de Vivaldi très sobre, déploie une voix légèrement plus vibrée au fur et à mesure de l’avancée dans la pièce de Pergolèse. Soignant l’homorythmie en duo (« Sancta Mater »), elle se retrouve en revanche parfois masquée par l’orchestre sur les fins de phrases (« Quae moerebat et dolebat »).
Pour conclure la soirée, l’ensemble des interprètes reprendra le « Amen, amen » de Pergolèse, introduit habilement par Fayçal Karoui : « il n’y a pas d’autre mot pour clôturer un tel concert ! » La messe est dite.
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